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LA LÉGENDE DE MARGÉOT

et construire pour le recteur de Plouëc un magnifique presbytère, se créait, en un mot, la plus extravagante des popularités.

Le préfet avait sollicité pour lui la croix. Le peuple le bénissait. Qui sait ? il allait être élu membre du Corps législatif, sans doute. L’Empereur, « qui se connaissait en hommes », l’eût promptement distingué, l’eût attaché à sa fortune. Ce bandit bas-breton ne pouvait manquer de plaire par le côté pittoresque et quelque peu condottière du grand capitaine Napoléon, le seul capitaine de son temps qui lui inspirât du respect, le seul chef sous lequel il eût volontiers accepté de servir. L’avenir de Margéot s’annonçait plein de promesses. Les extraordinaires prédictions des tireuses de cartes qui s’arrêtaient parfois à Kercabin semblaient près de se réaliser.

Brusquement, tout s’effondra.

Ne fallait-il pas que la morale se vengeât de ce soudard qui l’avait si souvent et si brutalement souffletée ?

Saluons-la. La voici qui entre en scène sous l’habit vert, l’honnête habit d’un gabelou.


VII

Un matin, Gohéter-Coz, après avoir remisé sa charrette dans la grange de Kercabin, s’en vint d’un air soucieux trouver le maître.

— Quoi donc ? demanda Margéot. Ton voyage s’est-il fait à vide, que tu aies si mauvaise figure ?