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LA LÉGENDE DE MARGÉOT

de Kercabin. Il m’a dit avoir eu en route une vive altercation avec un passant. De quoi faisaient foi les blessures multiples qu’il avait tant à la tête que dans le reste du corps. Je l’ai hébergé, ainsi que me le commandait l’humanité, sans lui demander aucune explication autre que celle qu’il jugeait à propos de me donner. Au coup de minuit ma servante m’est venue annoncer qu’il avait rendu l’âme. J’ai cru qu’il était de mon devoir de t’informer immédiatement de ce fait ; j’attendrai tes ordres avant de procéder à l’inhumation.

« Citoyen-magistrat, je l’envoie mon salut fraternel.

« Margéot. »

Margéot se tourne vers l’assistance.

— Avez-vous compris ? interrogea-t-il avec un gros rire, enchanté de sa ruse.

— Oui, répondit un des hommes, tu livres à la justice Kadô-Yraz.

— Et je le livre mort, afin qu’il ne lui prenne pas fantaisie de nous dénoncer. Il suffira de quelques coups de couteau de plus. Dans le nombre, cela ne paraîtra point.

Les bandits s’extasièrent.

Margéot leur apparut grandi de plusieurs coudées.

— Donc, reprit-il, que l’un de vous monte là-haut et qu’il l’achève. Que cela se fasse vite et proprement !

Quelqu’un s’éclipsa, mais pour revenir presque aussitôt.

— Ça y est ! dit-il.

Le clerc Chevauton se leva. Quoiqu’il eût tourné le dos au séminaire, il était resté dévot. En petit comité, on l’appelait person Kergabinn (le recteur de Kercabin). Il récita le De profundis à voix haute. Margéot cepen-