Page:Le Braz - Vieilles histoires du pays breton, 1905.djvu/111

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
107
LA LÉGENDE DE MARGÉOT

gnard. Son sang pleuvait autour de lui en larges gouttes.

Margéot, qui jamais ne paraissait dans ce genre d’expéditions, afin de se ménager une apparence d’honorabilité et d’en pouvoir couvrir ses compères, le cas échéant, Margéot donc fronça le sourcil et demanda durement au misérable près de défaillir :

— Qui est-ce qui t’a mis dans cet état ?

L’homme, après avoir craché quelques dents mêlées à quelques caillots, trouva la force de raconter son aventure. Il avait eu vent du passage d’un riche marchand de cochons. Il avait voulu l’arrêter à lui seul, pour ne pas laisser perdre une aussi bonne aubaine. Mais il avait eu affaire à trop forte partie.

— Et le bourgeois ? gronda Margéot.

—… Est reparti à toute bride dans la direction de Pontrieux.

— C’est bien. Va te coucher… Hé ! Nannik !

Une vieille servante, à la peau rugueuse et plissée comme une écorce de chêne, accourut à l’appel du maître.

— Conduis-moi cet imbécile au lit et badigeonne-le des pieds à la tête avec tes onguents de sorcière.

Tandis que Nannik emmenait le blessé par une porte, Margéot sortait par l’autre, une lanterne sourde à la main. Il suivit l’avenue, courbé en deux, les yeux fixés à terre, promenant la lumière de son fanal à droite et à gauche, inspectant les herbes fraîchement foulées et où des taches rouges se montraient çà et là. Il marcha ainsi jusqu’à la barrière qui s’ouvrait sur le grand chemin. Là, il se redressa et se mit à siffloter un vieux air breton aux finales mélancoliques. De loin, on eût dit quelque petit pâtre inoffensif sifflant ses bêtes ; c’était le terrible Margéot qui sifflait ses bandits. Il se fit un