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HISTOIRE PASCALE

moulin serait en cendres, toi-même et les tiens massacrés !…

Une blancheur d’aube se dessinait vaguement au fond du ciel.

Quand ils furent arrivés sur la crête du promontoire de granit, ils trouvèrent le sergent tapi à côté de la poterne et luttant avec effort contre le sommeil.

— Eh bien ? demanda avec un sourire Dom Karis.

— Je n’ai rien vu, rien entendu, grogna le soudard.

Et, remarquant le sourire du prêtre :

— Te serais-tu moqué de moi, par hasard ?

Ses doigts jouaient autour de la gâchette de son fusil à pierre.

— Non. Je t’ai promis de te livrer Dom Karis, tu vas être satisfait… Mais, donnant, donnant, s’il te plaît… Où sont les mille francs ?

Le soudard sortit de sa poche un papier crasseux.

— C’est bien, remets cet argent à cet homme, continua le recteur, en désignant le meunier.

Et, comme le soudard hésitait, étonné, sans comprendre :

— Je suis dom Karis, articula tranquillement le vieux prêtre.

Puis, so tournant vers Jean Derrion qui assistait à cette scène, muet et blême comme un mort, il lui dit en breton :

— Prends en souvenir de moi, et plus tard, quand des temps meilleurs seront revenus, fais édifier une croix de pierre à la place où je serai tombé.

. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .

Ou vous la montrera cette croix de pierre, sur le bord de la grande route qui mêne de Lannion à Plouarel, à