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VIEILLES HISTOIRES DE PAYS BRETON

— Entrez, entrez, disaient maître Jean et Mar’Yvonne : il y aura place pour tout le monde.

La grange ne tarda pas à s’emplir.

Dans le fond, les vaches, réveillées, soulevaient avec étonnement leurs mufles graves.

Dom Karis, se tournant vers l’assistance, lui rappela en quelques brèves paroles la solennité de la grande fête pascale. Puis la messe fut célébrée. Le petit pâtre faisait les fonctions d’enfant de cœur et donnait les répons à l’officiant. Un groupe de jeunes filles entonnèrent l’Alleluia. Un recueillement doux planait. Toutes les tristesses de l’époque présente étaient oubliées. La lumière fleurie des anciens dimanches de Pâques rayonnait sur les visages et dans les âmes, malgré l’heure obscure et la pauvreté du décor.

À l’Élévation, le gardeur de vaches fit tinter la clochette de fer qui pendait d’ordinaire au collier des chevaux du moulin, et la communion commença.

Grands et petits défilèrent tous un à un, pour recevoir l’hostie des mains du vieux prêtre. Il les bénit, puis d’une voix que l’émotion faisait trembler :

— Vous m’êtes témoins, prononça-t il, que j’ai toujours tâché de faire ce qui dépendait de moi pour attirer l’œuvre de votre salut… J’ignore ce que l’avenir me réserve… Que ma mémoire vous soit douce et que la volonté de Dieu s’accomplisse !… Allez en paix.

Resté seul avec le meunier, il lui dit :

— Tu vas m’accompagner, maître Jean ; j’ai encore un devoir à remplir, qui est de relever de sa garde l’homme que j’ai mis en sentinelle sur le sommet de Roc’h-Vrân.

Et, comme Jean Derrien se récriait :

— Il le faut… Marchons !… Sinon, avant ce soir, ton