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Qui eût dit que j’éprouverais jamais pareil soulagement à sentir s’espacer entre Adèle et moi des lieues et des lieues de pays ? Tout en feignant d’écouter le verbiage de mon conducteur, je n’étais occupé que de compter les poteaux télégraphiques, de les regarder avidement surgir des lointains, puis décroître, puis disparaître.

À Pont-Croix, je priai Jonathan de m’accompagner chez un homme d’affaires connu dans toute la région sous le sobriquet, à double entente, de « Saigneur du Cap ». J’exhibai à ce personnage un livret de caisse d’épargne, inscrit au nom de Goulven-Pierre-François Dénès, quartier-maître de timonerie.

Il en feuilleta les pages écornées, lut à voix haute :

— Six cent quarante-sept francs quatre-vingt-cinq centimes.

C’était le dernier débris qui subsistât de mes patientes économies de matelot.

— Très bien, poursuivit l’usurier, je suis