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un de ces dieux, un de ces « rois » des morts, que les traditions irlandaises font trôner au pays des sidhe. « Salut, Labraid, rapide manieur d’épée ! » chante un poème du cycle d’Ulster. « Il hache les boucliers, il disperse les javelots, il blesse les corps, il tue les hommes libres  ; il recherche les carnages, il y est très beau ; il anéantit les armées  ; il disperse les trésors. 0 toi qui attaques les guerriers, salut, Labraid[1] ! » On retrouve comme un écho de ces strophes farouches dans la ballade bretonne qui exalte l’omnipotence de l’Ankou. De même que les rois de Mag-Mell, l’Ankou voyage sur un char, un char qui ne rappelle guère, il est vrai, les brillantes descriptions de l’épopée gaélique, mais qui, pour grinçants que soient ses essieux, n’en répand pas moins la terreur et la dévastation sur son passage. Par tous ces traits, l’Ankou fait évidemment penser à quelque antique divinité de la mort. Il en a d’autres, par contre, qui semblent provenir d’une conception très différente. Parfois, en effet, il nous est représenté comme une espèce d’administrateur, préposé à la garde et à la surveillance des choses d’outre-tombe. « C’est lui le maire des morts », me disait un jour un paysan. Dans cette conception, chaque paroisse a son Ankou. Cet Ankou local est pris

  1. H. d’Arbois de Jubainville, L’épopée celtique en Irlande, p. 185-186.