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que si je gagne cet argent, je n'en ferai pas mauvais usage, répondit humblement la petite gardeuse de vaches.

— Tu en feras l'usage qu'il te plaira, dit le fermier, pourvu que tu le gagnes. Je ne suis pas fâché de voir une femmelette comme toi relever un défi devant lequel ces hommes reculent. Seulement, nous t'accompagnerons jusqu'au charnier, nous fermerons sur toi la porte, et tu n'en sortiras que demain matin, à l'aube, quand nous irons t'ouvrir.

Ainsi fut fait, malgré les protestations indignées de Marie Louarn.

Le charnier était plein d'ossements. Mais dès que Mônikfut entrée, les ossements se rangèrent contre les murs, s'empilant les uns surles autres, pour lui faire une place où elle pût s'étendre comme dans son lit.

Mônik commença par s'agenouiller, invoqua la protection des âmes défuntes, puis s'allongea sans crainte sur le sol de terre humide qui sentait la mort.

A peine se fut-elle étendue qu'une torpeur délicieuse envahit tous ses membres, et des musiques douces, lointaines, se prirent à murmurer autour d'elle, comme pour la bercer.

Elle ne se souvenait plus d'être dans un ossuaire. Elle était ailleurs, mais elle ne savait pas où, dans un pays tout bleu, tout bleu. Elle ne distinguait rien. Elle essayait d'ouvrir les yeux pour voir, mais ses paupières étaient aussi lourdes que si elles eussentété de plomb.

Elle dormit ainsi sa pleine nuitée, d'un sommeil surnaturel.