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détalait. La souris, la croix et Ludo qui la portait parcoururent ensemble tous les champs du Quinquiz. La petite bête blanche sautait par-dessus chaque barrière, comme le maître avait coutume de faire, de son vivant, puis longeait les quatre fossés.

Une fois fini le tour des champs, elle reprit la direction du manoir. Arrivée dans l'aire, elle s'achemina vers un bâtiment isolé où l'on enfermait les instruments de labour. Sur tous elle posa les pattes1. Charrues, hoyaux, bêches, à tous elle dit adieu.

De là, elle regagna la maison.

Ludo la vit grimper sur le cadavre et se laisser mettre avec lui dans le cercueil.

Le clergé vint chercher le corps. La messe d'enterrement fut chantée ; le cercueil fut descendu dans la fosse. Mais dès que le prêtre célébrant l'eut aspergé d'eau bénite, dès que les proches parents eurent jeté dessus les premières mottes de terre, Ludo en vit sortir derechef la souris blanche.

Le jeune homme inconnu lui avait expressément recommandé de la suivre jusqu'au bout, fut-ce par ronce, épine ou fondrière.

Le voilà donc de planter là l'enterrement et de se remettre à pèleriner derrière la souris.

1. Le seigneur du Quinquiz, dont il est question dans cette légende, était apparemment un de ces gentilshommes-paysans, jadis nombreux en Basse-Bretagne, qui se rendaient aux champs, l'épée au côté, et la suspendaient à quelque tronc de chêne, pour prendre en main le manche de la charrue. Il y en avait parmi eux qui ne dédaignaient pas de disputer aux simples laboureurs, dans les marradek, la palme du charruage.