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drons, l'un à la tête, l'autre au pied de mon lit, de manière à former une « chapelle blanche. » Je me coucherai, et, lorsque L'Hégaret entrera, tu lui annonceras, les larmes aux yeux, que je suis mort. Tu seras censé m'avoir veillé jusqu'à ce moment, et tu l'inviteras à te remplacer. Tu sais comme il est docile. Il ne sera pas nécessaire de le supplier. Tu auras soin, en sortant, de laisser la porte entrouverte. Tu diras aux camarades des chambres voisines de se tenir avec toi dans le couloir. Je vous promets à tous une scène désopilante. Si jamais, après une pareille nuit, L'Hégaret consent à veiller un mort, je veux que le crique me croque.

— Bravo ! s'écria Jean Coz, il n'y a que toi pour avoir des imaginations aussi extraordinaires !

Les voilà de se mettre à l'œuvre.

En un clin d'œil, les draps sont attachés au plafond. Une serviette est disposée sur la table de nuit. L'assiette, où les étudiants ont coutume de déposer leur savon, sert de plat pour l'eau bénite. On allume à côté quelques bouts de chandelle. Bref, tout l'appareil funèbre est au complet, et, dans le lit, Charles Glaouier, rigide, les mains jointes, les yeux mi-clos, simule à merveille le cadavre.

... Lorsque Anton L'Hégaret entra, il ne fut pas peu surpris de voir Jean Coz à genoux au milieu de la chambre et récitant le De profundis.

— Qu'est-ce qu'il y a donc ? demanda-t-il.

—H y a que notre pauvre ami Charles a rendu son âme à Dieu, répondit Jean Coz d'un ton bas et lugubre.