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Et c'était vrai. La vie allait et venait en lui tantôt plus et tantôt moins, selon que la mer montait ou descendait. Il nous disait de ne pas nous en étonner, que cela était habituel chez les marins, quand ilsétaient, comme lui, sur le point de quitter ce monde.

A l'aube du quatrième jour, comme je lui apportais de la soupe chaude, il me demanda :

— C'est grande marée aujourd'hui, n'est-ce pas, Bétrys?

— Oui, père, fis-je. Pourquoi?

— Parce que c'est la fin qui approche, mon enfant. Remporte cette soupe : je n'ai de goûta rien.

Il avait des larmes dans les yeux, et moi aussi j'avais beaucoup de peine à m'empêcher de pleurer. Ma mère s'était approchée :

— J'avais l'intention d'aller ce matin jusqu'au lavoir, dit-elle,mais, si tuas besoin de moi, je m'abstiendrai de sortir.

— Non, non, répondit-il. Va laver. Il suffira que tu sois de retour pour midi. Je n'ai besoin que du prêtre, et Bétrys ira me le chercher, quand il sera temps.

Ma mère, pour lui obéir, s'en alla au lavoir, emmenant mes petits frères et mes petites sœurs, pour qu'ils ne restassent pas à faire du bruit dans la maisoD. Et je demeurai seule auprès du malade. De temps à autre, il me disait :

— Bétrys, va regarder où est arrivée la mer. Comme notre logis n'était qu'à une quinzaine de pas

de la berge, je n'avais qu'à ouvrir la porte pour voir jusqu'où l'eau avait monté dans la rivière. Je revenais vers le lit, en annonçant :