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à la ferme, vous, pour mettre votre conscience en règle, et nous, pour nous préparer à notre travail de demain, qui sera de vous porter en terre. »

— Voilà ce que m’a conté mon homme, ajouta la fermière ; un autre se serait peut-être mis en colère contre le bœuf, mais lui qui était un homme de sens, il a suivi son conseil. Grâce à quoi il a trépassé, non dans la douve du grand chemin, comme un animal, mais dans sa maison, assisté d’un prêtre et muni des sacrements, comme un bon chrétien.

Doué da bardono’ann anaonn ! (Dieu pardonne aux défunts !), murmurèrent les vieilles femmes.

Ma mère fit le signe de la croix et regagna son lit.

Le lendemain, les deux bouvillons traînèrent au bourg de Briec la charrette funèbre.

Ceci se passait un peu avant la « Grande Révolution. » Depuis ce temps-là, on prétend que les bœufs ne parlent plus, si ce n’est pourtant à l’heure de minuit, durant la veillée de Noël[1].

(Conté par Naïc, vieille marchande de fruits. — Quimper, 1887.)
  1. Un fermier voulut entendre ce que pourraient bien se dire ses bœufs et se cacha dans le grenier, au-dessus de l’étable.
        — Que ferons nous demain ? demanda l’un des bœufs à son compagnon ?
        — Nous porterons notre maître en terre.
        Ce fut en effet le premier travail qu’ils firent. Le fermier épouvanté trépassa dans la nuit (Cf. Mahé, Essai sur les antiquités du Morbihan, p. 231 ; Luzel, La veillée de Noël, Revue de Bretagne et de Vendée, t. X, 1861, p. 432 ; Le Calvez, La mort en Basse-Bretagne, Revue des traditions populaires, t. III, p. 51 ; A. Le Braz, Vieilles histoires du pays breton, p. 143).