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fut assez heureux pour ajouter un Dindon sauvage à sa gibecière gonflée de Cailles, de Coqs de Bruyère (pinnated grouse), etc. Dans ces vastes clairières, à l’ouest de la province, les Dindons sauvages ont coutume de cheminer à pied, et d’émigrer d’une contrée à une autre, suivant qu’ils trouvent en plus grande abondance les baies et les graines d’herbes dont ils se nourrissent ; les mâles voyagent par bandes de dix à cent individus ; les femelles s’avancent séparément avec leurs petits ou réunies avec d’autres familles ; elles évitent avec soin les mâles, qui atteignent leurs jeunes et souvent les tuent, et cependant tous suivent la même direction. Lorsqu’ils arrivent sur le bord d’une rivière, ils se portent sur le point le plus élevé de la rive, y restent un ou deux jours en délibération, puis montent sur les arbres, et, à un signal donné par le chef de la troupe, ils prennent leur vol vers la rive opposée. Les vieux y parviennent sans peine, lors même que la rivière a un tiers de lieue de largeur, mais les petits tombent dans l’eau et achèvent la traversée à la nage. À la fin de l’hiver, les femelles se séparent de leurs familles devenues adultes et s’occupent de la ponte et de l’incubation. Elles déposent dans un nid construit à terre avec quelques feuilles desséchées, dix à quinze œufs, qu’elles ont à défendre contre les corbeaux, les chats sauvages et même contre les Dindons. Il arrive souvent que plusieurs femelles se réunissent pour couver et élever leurs petits en commun. Nos Dindons domestiques sont moins gros que les Dindons sauvages ; leur plumage est d’ordinaire noir, tandis que, dans l’état de nature, il est d’un brun verdâtre, glacé de teintes cuivrées magnifiques. La chair du Dindon sauvage est préférable même à celle du Dindon domestique : c’est un plat de roi.

Les chasseurs se servent de divers modes pour s’emparer de cet oiseau au printemps ; ils imitent, au moyen d’un pipeau fait avec l’os de l’aile d’un Dindon, le cri de la femelle ; le mâle accourt de loin et les chasseurs, de leur retraite, tirent dessus.