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Grand Hibou, qui veut plaire à sa compagne, ne se peuvent décrire : ce sont des courbettes, des demi-tours, des contorsions, des claquements de bec, dont le spectacle dissiperait la plus sombre mélancolie ; elle y répond en imitant les allures et la pantomime de son compagnon. Puis tous deux vont construire, en mai, au plus épais des bois, leur nid, qu’ils fixent sur une maîtresse branche, voisine du tronc principal : il se compose de petits bâtons tortueux et est tapissé à l’intérieur de plumes et d’herbes fines. Le duc de Virginie pris au nid, s’apprivoise — il n’émigre pas et passe l’année chez nous ; » ainsi s’exprime Audubon. — Le Grand Hibou à cornes, lorsque son plumage est en saison est un des plus nobles oiseaux de la Faune canadienne — sa force, son courage indomptable, sa férocité,[1] l’ont fait sur-

  1. Voici un tableau sombre du naturel du Grand-Duc européen, le cousin-germain de notre Chat-Huant :
    « Un procureur du roi de l’Aveyron nourrissait un Grand-Duc, il y a douze ans de cela. Des gens de la campagne lui apportent deux jeunes oisillons de l’espèce, couverts encore de leur premier duvet. Le magistrat confie à tout hasard l’éducation de cette jeunesse à son pensionnaire, qui était un mâle et qui s’acquitta des devoirs de sa charge avec un zèle tout maternel et digne d’un meilleur sort, car le premier essai que firent de leurs forces les deux jeunes élèves parvenus à l’adolescence, fut d’occire pendant son sommeil leur père nourricier, de lui trancher la tête et de le dévorer. Après quoi le plus fort des deux, la femelle, tua son frère et le mangea comme elle avait fait de son père. Alors le magistrat effrayé de tant de perversité dans un âge aussi tendre, et ne pouvant plus désormais supporter la vue de la créature scélérate, s’en défit en faveur d’un savant de ses amis qui habitait Toulouse et qui était précisément en quête d’une épouse pour un jeune oiseau qu’il avait élevé. Le mariage eut lieu sous les plus favorables auspices ; mais l’habitude du cannibalisme est une seconde nature et il n’y avait guère à espérer que celle qui avait débuté dans la vie par le parricide et le fratricide, reculât devant le conjugicide. En effet, l’infâme assassine saisit avec ardeur la première occasion qui s’offrit de se charger la conscience