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LE GEAI BLEU.[1]
(Blue Jay.)


La parure éclatante du Geai bleu en fait une espèce de damoiseau, de dandy parmi les habitants ailés de nos forêts ; son caquetage, ses manières excentriques complètent ses titres. Cet oiseau fréquente le bord aussi bien que l’intérieur des grands bois ; son cri aigre fait fuir le chevreuil et attire souvent en conséquence sur l’oiseau, la vengeance sommaire du chasseur. Parmi les autres chantres des bois, à la saison des amours, ses accents fixent immédiatement l’attention ; dans le concert général, sa voix représente assez la trompette. Il a la faculté d’imiter le cri des autres espèces. Lorsqu’il s’entretient avec sa compagne, il simule le cri du canard ; mais si on l’approche, la note d’alarme qu’il émet en s’envolant est véhémente et soudaine. En d’autres occasions, on croirait entendre le grincement de la roue d’une brouette ; le tout est accompagné de gestes, de soubresauts et de hochements de tête fort singuliers. Le Geai bleu se construit un gros nid sur un cèdre, un pommier ou un autre arbre, le matelasse de racines sèches et y pond cinq œufs d’un olive pâle, tachetés de brun. Le mâle se garde bien de chanter dans le voisinage du nid et n’y vient qu’avec le plus grand silence et en secret. Il se nourrit de glands, de maïs, de chenilles, sans épargner les vergers, les cerises et autres fruits ; la faim le fera même s’introduire par les crevasses de la grange[2] pour dévorer le grain :

  1. No. 435. — Cyanura cristata. — Baird.
    Garrulus cristatus.Audubon.
  2. Depuis que ces lignes ont été écrites, le Colonel Rhodes nous signale un fait identique. Une famille de Geais bleus hiverne depuis plusieurs années dans le bois qui entoure sa villa, sur le chemin St. Louis, près de Québec : le Colonel, ami sincère de l’espèce, bien que chasseur impitoyable d’ours et de caribous, est dans l’habitude de pourvoir à l’alimentation de nos amis au bleu plumage : la soirée arctique du 7 février dernier, un de ses pension-