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général de l’année ; elle avait figuré sans doute, à Châteauguay, car on paraissait avoir une si grande confiance dans sa valeur, que l’on bavardait en sa présence sans la moindre crainte : enfin, après de longs débats, l’une d’elles, à la mine intelligente, peut-être était-ce le premier ministre, s’écria : “C’est assez, partons ; si nous restons unies, nous n’avons rien à craindre.” Aussitôt toutes les corneilles prirent leur essor pour ne revenir qu’au printemps suivant, chaque famille dans le même bocage qu’elle avait occupé l’année précédente ; car elles y reviennent immanquablement, et si des étrangères cherchent à s’y introduire, c’est une guerre à mort. »

La nature a doué la Corneille d’une sagacité étonnante pour découvrir le danger : on dit communément que les Corneilles sentent la poudre et le fusil à un mille de distance : le chasseur, à moins de se cacher, ne saurait les tirer que sous le vent.

La Corneille est un oiseau si peu aimé, si peu populaire que, sans sa rare méfiance, l’espèce en serait éteinte depuis longtemps, tant elle a été persécutée par le genre humain. Aux États-Unis, on a mis sa tête à prix, comme celle du loup, de la panthère, etc. Elle se nourrit d’insectes, de grains, de mollusques, de charogne, de poisson mort. Sur le littoral du St.-Laurent, des nuées de Corneilles visitent deux fois par jour les grèves à basse marée, pour enlever le poisson dans les pêches que l’on y tend : une île en particulier, l’île aux Corneilles, tire son nom du nombre extraordinaire de ces noirs volatiles qui y séjournent, c’est le chef-lieu de la tribu. Ces oiseaux font des dégâts horribles dans les champs fraîchement ensemencés. En septembre, leurs dévastations sont fort préjudiciables au cultivateur. En juin et juillet elles se faufilent dans la basse-cour[1] et enlèvent les jeunes poussins, mal-

  1. Voici un fait attesté par un observateur exact :
    « J’ai été moi-même victime de la propensité de cet oiseau vorace : le printemps dernier, j’avais mis mes canards près d’un ruisseau, à une assez grande distance de ma maison ; ils cessèrent aussitôt de nous fournir des