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ce chantre des forêts. On pourrait citer quelques autres oiseaux chanteurs dont la voix le dispute, à certains égards, à celle du rossignol : les alouettes, le serin, le pinson, les fauvettes, la linotte, le chardonneret, le merle commun, le merle solitaire, le moqueur d’Amérique, se font écouter avec plaisir, lorsque le rossignol se tait : les uns ont d’aussi beaux sons, les autres ont le timbre aussi pur et plus doux ; d’autres ont des tours de gosier aussi flatteurs ; mais il n’en est pas un seul que le rossignol n’efface par la réunion complète de ses talents divers, et par la prodigieuse variété de son ramage ; en sorte que la chanson de chacun de ces oiseaux, prise dans son étendue, n’est qu’un couplet de celle du rossignol.

« Le rossignol charme toujours, et ne se répète jamais, du moins jamais servilement ; s’il redit quelque passage, ce passage est animé d’un accent nouveau embelli par de nouveaux agréments ; il réussit dans tous les genres, il rend toutes les expressions, il saisit tous les caractères ; et de plus, il sait en augmenter l’effet par les contrastes. Ce coryphée du printemps se prépare-t-il à chanter l’hymne de la nature, il commence par un prélude timide, par des tons faibles, presqu’indécis, comme s’il voulait essayer son instrument et intéresser ceux qui l’écoutent ; mais ensuite prenant de l’assurance, il s’anime par degrés, il s’échauffe et bientôt il déploie dans leur plénitude toutes les ressources de son incomparable organe : coups de gosier éclatants ; batteries vives et légères ; fusée de chant, où la netteté est égale à la volubilité ; murmure intérieur et sourd qui n’est point appréciable à l’oreille, mais très propre à augmenter l’éclat des tons appréciables ; roulades précipitées, brillantes et rapides, articulées avec force, et même avec une dureté de bon goût ; accents plaintifs cadencés avec mollesse ; sons filés sans art, mais enflés avec âme ; sons enchanteurs et pénétrants, qui font palpiter tous les cœurs et qui causent à tout ce qui est sensible une émotion si douce,