Page:LeMoine - Ornithologie du Canada, 1ère partie, 1861.djvu/135

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui présidaient aux fontaines s’efforcèrent de lui plaire ; les Naïades du Tibre, celles qui habitent les ondes du Numique, de l’Anio paisible, du Nar impétueux, de l’Almo qui termine son cours si près de sa source, du Farfarus aux frais ombrages et des lacs bocagers consacrés à Diane, lui adressaient d’amoureuses prières ; il dédaigna leurs feux, et n’aima que la fille de Janus au double front, que Vénilie avait mise au jour sur le mont Palatin. Quand cette vierge eut atteint l’âge de l’hyménée, elle fut donnée pour épouse à Picus. Douée d’une beauté merveilleuse et d’une voix plus merveilleuse encore, elle avait reçu le nom de Canente : son chant faisait mouvoir les arbres et les rochers, adoucissait les bêtes féroces, retardait le cours des fleuves, et arrêtait les oiseaux dans leur vol rapide.

« Un jour qu’elle s’exerçait à des modulations harmonieuses, son époux était allé poursuivre les Sangliers dans les forêts de Laurente ; il pressait les flancs d’un cheval fougueux, sa main était armée de deux javelots ; un manteau de pourpre attaché par une agrafe d’or couvrait ses épaules. Dans ces mêmes forêts était venue Circé, la fille du soleil, qui cherchait loin de son domaine, des plantes nouvelles pour ses enchantements. Cachée par le feuillage, la magicienne a vu le jeune chasseur, elle sent s’amollir son âme et les plantes malfaisantes tomber de ses mains. Bientôt, remise de son trouble et cédant à sa passion soudaine, elle veut se montrer à Picus et lui déclarer son amour, mais le prince s’éloigne sur son coursier rapide, avec les gardes qui l’entourent. “Fusses-tu porté sur l’aile des vents, tu ne m’échapperas pas, dit-elle, si mes herbes ont conservé leur vertu, et si je puis encore me fier à mon art.” Elle dit, et crée le fantôme d’un sanglier qu’elle fait passer devant les yeux du chasseur, et qui va s’enfoncer dans le plus épais du bois, au milieu d’un taillis où ne peut pénétrer un cavalier ; aussitôt Picus, abusé par cette apparence, s’élance de son cheval écumant, et s’engage à la poursuite de la proie imaginaire dans les détours