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LES RUES DE QUÉBEC.

certaines passes des Alpes, un gardien muni d’un porte-voix pour annoncer quand le passage était libre et pour prévenir les rencontres. Cette localité, odoriférante surtout pendant la canicule, est fort peuplée : les bambins de la Verte Erin y pullulent comme lapins en garenne. Des touristes aventureux qui s’y sont risqués aux jours radieux de juillet, en sont revenus tout éblouis, abasourdis même des merveilles de l’endroit. Entr’autres curiosités indigènes, ils y ont remarqué comme des tentes aériennes, improvisées, sans doute, contre les rares rayons du soleil du midi. Sur des ficelles tendues d’un côté à l’autre de la voie, était le linge des familles mis à sécher. Quand le vent agitait au-dessus des passants toutes ces blanches chemisettes, mêlées à des caleçons masculins, et à ses fragments de toile si nécessaires aux jeune âge, l’effet, dit-on, était pittoresque au suprême degré. Quant à nous, désireux dès notre jeunesse d’approfondir les moindres détails de l’histoire de notre cité et de les narrer dans toute leur pétillante actualité, pour l’édification des touristes distingués de la France, de l’Angleterre, des États-Unis, ça été pour nous un de nos chagrins les plus cuisants de savoir que l’unique visite que nous ayons faite à la Ruelle des Chiens ait été postérieure à la publication de l’Album du Touriste, ce qui en explique l’omission.

Nos plus illustres touristes, le fils aîné de la Reine, le Prince de Galles, ses frères, les Princes Edward et Arthur, les ducs de Newcastle, de Manchester, les généraux Grant, Sherman, le Prince Napoléon Bonaparte, tous, dit-on, ont quitté Québec sans avoir visité la Ruelle des Chiens, ignorant même, il est probable, son existence ! Et pourtant cette rue est immensément historique. Elle a raisonné des fanfares de la guerre, du grondement du canon, d’une fusillade des plus vives : le Col. Arnold y tombait blessé au genou, en 1775. On le transportait au milieu des cris désespérés de ses soldats, ruisselant dans leur sang, sous le sabre de Dambourgès, du féroce et colossal Charland, du brave Caldwell, secondé de son ami Nairn et de leurs ardentes milices. Nos amis, les annexionnistes d’alors, étaient tellement décidés à annexer