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tonkourou


Je vous parlais, messieurs, ce soir-là, d’une enfant
Qu’en mourant loin de moi ma femme mit au monde.
Je ne l’ai jamais vue, et sur Dieu je me fonde
Pour la trouver un jour.
Alors, surpris un peu,
Quelques uns des vieillards suspendirent leur jeu.

— J’ai souffert, gémit-il, Dieu veut qu’on reconnaisse
Partout sa main. Je vis, un jour de ma jeunesse,
Une femme adorable à laquelle je plus.
Les marins n’aiment pas les retards superflus ;
Il faut qu’ils sachent bien profiter de la brise.
Nous fûmes mariés, un matin, à l’église,
Grâce au calme profond qui tenait le bateau,
Depuis plus de huit jours, immobile sur l’eau.
Enfin je m’éloignai de cette rive chère,
Laissant ma jeune épouse avec sa vieille mère
Qui la voulait garder jusques à mon retour.
Départ fatal ! Tombeau de mon unique amour !
Je vois encor les pleurs de l’épouse chagrine.
Longtemps je l’ai tenue alors sur ma poitrine,
Longtemps j’ai vu voler son blanc mouchoir au vent.
Puis, tout se confondit avec le flot mouvant.

Au retour, le vaisseau ne put entrer en rade ;
L’hiver l’avait surpris. Je débarquai malade