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livre deuxième

 
 Or, il advint une disette.
 Il fallut faire la diète,
 Puis ensuite un repas par jour ;
 On mit à mort la basse-cour
 Et l’étable et la bergerie.
Le fléau cependant redoublait de furie.
On parla de tuer le plus jeune cheval ;
 L’autre était trop vieux et trop maigre.
 Notre jeune et bel animal
Se montrait, ce jour-là, tout pimpant, tout allègre.

— Pauvre ami, lui dit-on, caressant de la main
 Son épaisse et longue crinière,
 Oui, voilà notre heure dernière
 Et nous allons mourir de faim
 Si tu ne fais un sacrifice.

— Je vous comprends très-bien, dit le présomptueux,
Vous prenez le vieux gris. Ce serait monstrueux
 Que de refuser ce service,
 Et je m’en séparerai bien ;
 Il n’est, au reste, propre à rien.

 — Pas même à manger, dit le maître,
 Et c’est toi qu’il nous faut.