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évangéline

Sur une grande ferme attachée au village,
Et tout près du bassin, au milieu du feuillage,
On voyait, autrefois, une belle maison
À l’air un peu coquet avec son blanc pignon :
C’est là qu’habitait Benoît Bellefontaine.
Il avait avec lui, dans ce joli domaine,
La jeune Évangéline, une suave fleur.
Tous deux vivaient heureux. Benoît avait du cœur,
Une haute stature, un bras fort, un front hâve,
Un œil intelligent mais peut-être un peu cave,
Une démarche ferme et soixante-et-dix ans.
Avec son teint de bronze et ses longs cheveux blancs
Il était comme un chêne au milieu d’une lande,
Un chêne que la neige orne d’une guirlande.
Et cette jeune fille, elle était belle à voir,
Avec ses dix-sept ans, son front pur, son œil noir
Qu’ombrageait une épaisse et longue chevelure ;
Comme au bord de la route une discrète mûre
Dérobée à demi par un épais buisson !
Elle était belle à voir, au temps de la moisson,
Lorsqu’elle s’en allait à travers la prairie,
Avec son corset rouge et sa jupe fleurie,
Porter aux moissonneurs assis sur les guérets,
Chaque jour, un flacon tout plein de cidre frais !
Mais les jours de dimanche elle était bien plus belle !
Quand la cloche sonnait dans la haute tourelle,
Que le prêtre, en surplis, bénissait, au saint lieu,
Le peuple rassemblé pour rendre hommage à Dieu ;
On la voyait venir le long de la bruyère,
Tenant dans sa main blanche un livre de prière
Ou les grains vénérés d’un humble chapelet.
Elle portait alors élégant mantelet,