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piédestal qui est formé d’un seul bloc de granit ayant 5 mètres de hauteur sur 3 de largeur et pesant cent mille kilogrammes. Le 25 décembre 1836, au milieu d’un immense concours de spectateurs, en présence de la famille royale, M. Lebas procéda à l’érection de l’obélisque. Cette opération, conçue avec toute l’habileté qu’on devait attendre du savant ingénieur, fut exécutée avec une merveilleuse précision. — L’obélisque décorait à Thèbes le palais de Louqsor. Il a 23 mètres de hauteur et pèse à peu près 250 000 kilogrammes. Trois rangées verticales d’hiéroglyphes couvrent ses faces. La rangée du milieu est creusée à la profondeur de 15 c. ; les deux autres sont à peine taillées. Les cartouches multipliées sur les quatre faces, présentent toutes le nom et le prénom de Rhamessès ou Sésostris, premier roi de la 19e dynastie de Manéthon, et contiennent les louanges et le récit de ses travaux.

Avant de juger l’ensemble des décorations de cette place, nous allons donner l’état des dépenses en y joignant celles qui ont rapport aux Champs-Élysées.

Les travaux d’embellissement, commencés en 1836, ont été terminés en 1840. Ils ont été ainsi classés dans l’ouvrage de M. Saint-Léon.

fr. c.
Projets et études 3 350. 77

Service des ingénieurs
Égouts et décharges d’eau 147 032. 25
Conduites et travaux hydrauliques 268 725. 66
Plantations dans les Champs-Élysées 4 507. »
Travaux d’assainissement dans les Champs-Élysées 2 806. 07

Service des architectes
Travaux à l’occasion de l’obélisque 8 559. »
Trottoirs en asphalte et granit 245 022. 46
Fontaines monumentales 367 630. »
Colonnes rostrales et candélabres 121 749. 92
Restauration des huit pavillons 13 850. »
Huit statues pour les pavillons 64 000. »
Marbrerie 3 500 »
Jardinage dans les fossés 6 481. »
Corps-de-garde 11 788. »
Terrasses et travaux divers 153 283. 63
Candélabres aux Champs-Élysées 33 512. »
Frais d’agence 60 259. 77
Total 1 516 057. 53

En 1843 il restait encore dû environ 160 000 fr. pour lesquels il y a contestation avec les entrepreneurs.

Nous n’avons plus à faire maintenant qu’une appréciation succincte des travaux d’embellissement sous le rapport de l’art, et d’abord nous croyons devoir rappeler les principales dispositions du plan primitif présenté par l’administration et adopté par le conseil municipal dans sa délibération du 24 avril 1835. Il nous a paru regrettable qu’on, ait abandonné ce plan dans quelques-unes de ses parties. — « Article 5. Vu les nouveaux plans présentés par M. le préfet, desquels il résulte, entr’autres dispositions, que la place serait maintenue dans sa forme octogone avec les fosses qui l’entourent, dont le fond nivelé serait converti en compartiments de gazons avec plate-bandes de fleurs ; que les entrées diagonales seraient complétées au moyen de terre-pleins soutenus par des murs pareils à ceux des fossés couronnés de balustrades avec galerie souterraine pour la communication des fossés ; que les huit pavillons accusant les pans coupés de la place seraient restaurés et surmontés de statues assises qui par leurs attributs représenteraient huit des principales villes de France ; que les entrées de la place du côté de la rue Royale et du côté du pont Louis XVI seraient décorées de statues couchées, coulées en bronze et représentant les quatre principaux fleuves de France ; celles perpendiculaires, de sphinx sculptés en granit de Brest, pareil au piédestal de obélisque ; et celles diagonales, de lions couchés ; que deux fontaines monumentales seraient érigées sur le grand axe de la place aux points d’intersection, donnés par les entrées diagonales ; que des trottoirs construits en granit de Brest et pierres de Volvic, produisant l’effet d’une mosaïque, comprendraient dans une même figure l’obélisque et les deux fontaines, et formeraient le pourtour intérieur de la place et la bordure des huit compartiments que dessinent les entrées perpendiculaires et diagonales, etc… »

En comparant l’état présent de la place avec le projet de 1835, la supériorité appartient sans conteste au premier plan adopté par le conseil municipal. Ces compartiments de gazons avec plate-bande de fleurs, en reposant les regards, eussent répandu quelque fraîcheur et brisé heureusement l’uniformité de la place. Des statues de bronze, représentant les quatre principaux fleuves qui arrosent la France, des lions couchés, des sphinx sculptés en granit de Brest, eussent donné à la place un peu de cette grandeur sévère qui lui manque aujourd’hui. En regardant la décoration actuelle, on éprouve d’abord une espèce d’éblouissement qui bientôt amène la fatigue. On sent que toutes ces richesses, toutes ces dorures perdues dans le vide semblent jetées à profusion pour masquer l’impuissance de l’artiste.

Ces candélabres étincelants et rangés avec symétrie ressemblent à des échecs sur un damier. L’obélisque, qui eût été si bien placé dans la cour du Louvre, semble perdu dans l’immensité. Pourquoi ne lui avoir pas au moins donné les quatre sphinx ses gardiens naturels, ses compatriotes pour ainsi dire ? Ces fontaines, dont les panaches seuls offrent de l’élégance, n’ont rien de monumental. L’exiguïté des bassins est telle qu’au moindre vent les gerbes inondent les promeneurs.

L’architecte, qui s’est inspiré sans nul doute de la cour qui précède Saint-Pierre de Rome pour asseoir ces fontaines, ne s’est pas assez souvenu que cette cour