Page:Lavisse, Rambaud - Histoire générale du IVe siècle à nos jours, tome premier, 1894.djvu/13

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Serbie, une Bulgarie ; il y a une Grèce, encore que celle-ci ait peine à se dégager de ses provinces barbares. Les Iles Britanniques, après avoir vu les Celtes refoulés par les Anglo-Saxons, les Anglo-Saxons par les Danois, ont reçu, avec les Normands, leur dernier ban de conquérants ; il en est de même de la Pannonie, qui, après avoir été l’hippodrome des cavaliers d’Asie, est devenue la Hongrie chrétienne ; l’Espagne, tour à tour celto-ibérique, romaine, gothique, se trouve enfin saturée d’hommes et, après avoir subi l’intrusion des Arabes et des Berbères, tend déjà à les expulser. Ainsi notre Europe est debout tout entière, avec les États qui dureront, les nations qui sont celles ’aujourd’hui et de demain.

Tous ces êtres nouveaux sont nés dans la période qui nous occupe : aucun d’eux, avant la « séparation des deux Empires », n’existait, du moins avec tous les traits essentiels de sa physionomie. Nous ne parlons pas seulement de la Russie, de la Pologne, de la Hongrie, et de tant d’autres nations, dont les éléments constitutifs étaient encore, en 395, dispersés à tous les coins du monde barbare ; mais à la fin du XIe siècle, il existe une France, qui est différente de la Gaule de César ; une Espagne et une Italie, qui n’ont guère que le nom de commun avec celles qui ont connu les Antonins ; une Angleterre, qui est radicalement autre chose que la Bretagne d’Agricola ; une Allemagne, que la Germanie de Tacite ne pouvait laisser pressentir.

Plus différentes encore de leur aspect romain, plus ressemblantes encore à l’aspect qu’elles présentaient au début de notre siècle sont l’ Afrique du Nord, l’Egypte, la Syrie, l’Asie Mineure.

Ainsi, dans tout l’ancien monde, il s’est fait, du IVe au XIe siècle, un travail énorme, douloureux, prodigue de vies d’hommes et d’empires : il a cependant abouti à quelque chose de solide, puisque cela dure et que cela semble destiné à durer. Ce fut un travail si complet, si bien définitif, que,