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pire romain a eu pour conséquence les combinaisons ethnographiques et politiques d’où sont sorties les nations du monde moderne.

Ces combinaisons ont été variées à l’infini, et l’on arriverait à un total effrayant, si l’on essayait de faire le compte des États barbares qui, du IVe au XIe siècle, se sont fondés, se sont dissous, ont annexé leurs voisins, ont été démembrés par eux. Dans les matières déjà en fermentation il y a eu l’intrusion perpétuelle de matériaux nouveaux, et l’ancien monde n’a offert longtemps que l’aspect d’une cuve qui bouillonne.

A considérer tous ces peuples qui, pendant sept siècles, se ruent les uns sur les autres, les nouveaux venus refoulant et opprimant leurs devanciers, les premiers germes et ferments de civilisation toujours étouffés par de plus récentes avalanches de barbarie et même de sauvagerie, à voir tant d’empires s’élever et s’écrouler, on croirait qu’il n’y eut là que les jeux de la force brutale et le conflit des énergies aveugles de la nature. Aucune période de l’histoire n’est peut-être plus encombrée de faits, de noms, de dates, et ne parait plus stérile et plus vide.

Et cependant, à aucune période de l’histoire on n’a pu voir plus nettement l’influence des idées sur la matière : ici, c’est le souvenir de l’Empire romain, dont le moindre chef barbare est ébloui, hanté, obsédé, et dont, pendant le règne le plus éphémère sur le domaine le plus restreint, il s’efforce de faire renaître quelque chose ; là, c’est l’idée de la Chrétienté, universelle et oecuménique comme l’Empire ; et, pendant que tant de roitelets à noms teutoniques ou gothiques se disputent l’héritage temporel de Rome, dans la ville aux sept collines il y a un vieillard qui en transmet à d’autres vieillards l’héritage spirituel ; enfin, dans d’autres régions, qui semblaient soustraites pour toujours à toute influence gréco-latine, sur des races qui n’avaient pas subi la loi de la Rome ancienne et qui rejetaient la foi de la Rome nouvelle, il y a une autre idée,