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Schnorr et sa femme pour chanter Tristan. Il profita de la présence de l’interprète incomparable pour se faire donner une splendide et unique représentation de Tannhauser.

L’étude de Tristan fut dirigée avec la plus grande autorité par Hans de Bulow, le disciple et ami du Maître, nommé à cette époque, sur les instances de Wagner, pianiste du roi de Bavière. L’exécution, qui eut lieu dans le courant de 1865, fut superbe. Wagner connut alors l’intime et profonde satisfaction d’entendre son œuvre telle qu’il l’avait rêvée et voulue. Schnorr apportait dans l’interprétation du personnage de Tristan une telle intelligence, une telle intensité d’émotion, que Wagner, bouleversé lui-même jusqu’au fond de l’âme, déclara, après la quatrième représentation, qu’il n’en voulait pas d’autre et refusa de laisser son ami s’épuiser par un effort au-dessus des forces humaines. Schnorr, qui avait contracté, pendant le troisième acte de la dernière soirée, un rhumatisme causé par les courants d’air de la scène, mourut quinze jours après à Dresde, et priva ainsi les ouvrages du Maître de leur plus merveilleux protagoniste.

Cependant, la cabale organisée contre le protégé du roi prenait une tournure menaçante, et le souverain dut, le 30 novembre 1865, pour calmer les esprits, éloigner de lui pendant un temps le grand artiste. Il paraît pourtant certain qu’en tant que politique il n’avait aucune influence sur le roi ; lorsqu’il abordait ce sujet, a-t-il raconté lui-même, le prince regardait en l’air et se mettait à siffler. Ce que le peuple pouvait redouter avec plus de raison, c’était les dépenses excessives auxquelles il entraînait le souverain.

Wagner, dont le système nerveux était très éprouvé et avait besoin de repos, fit alors un court voyage dans le midi de la France et en Suisse et vint s’installer à Tribs-