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dre comme interprète un personnage affligé d’un embonpoint exagéré, dont il craignait l’effet ridicule sur la scène. Il raconte dans ses Souvenirs qu’étant à Karlsruhe en 1852 au moment où Schnorr y chantait Lohengrin, et ne l’ayant encore jamais vu, il alla incognito l’entendre, et fut tellement impressionné par l’intelligence hors ligne dont fit preuve l’artiste dès les premières notes de son rôle, que, retrouvant en cette circonstance une émotion analogue à celle que lui avait causée, dans son adolescence, Mme  Schrœder-Devrient, il écrivit de suite à Schnorr pour l’inviter à venir le voir. Schnorr, accompagné de sa femme, passa alors plusieurs semaines à Bieberich avec le Maître et Hans de Bulow, qui était venu les rejoindre. Il travailla l’Anneau et surtout Tristan, qui devint par la suite une de ses plus magnifiques interprétations.

L’espoir qu’avait eu Wagner de faire représenter Tristan à Karlsruhe ne tarda pas à être déçu, malgré la bienveillante sympathie que lui montrait le grand-duc de Bade. Il n’obtint pas non plus l’autorisation de séjourner d’une manière définitive dans les États badois, ni de rentrer en Allemagne comme il le désirait tant.

Tournant de nouveau ses vues sur Paris, il y arriva en septembre 1859, avec l’espérance d’y faire entendre son œuvre ; mais il dut bientôt renoncer à une exécution qu’il rêvait de confier à des interprètes allemands. Il comptait aussi sur Tannhauser et Lohengrin traduits en français. M. Carvalho, alors directeur du Théâtre Lyrique, avait eu quelque velléité de monter Tannhauser. Il vint même un soir rue Matignon chez le compositeur, qui lui joua son ouvrage, mais ne put arriver à lui en faire comprendre l’intérêt.

Le Maître, qui, malgré ses succès croissants en Allemagne, n’était guère plus connu à Paris que lorsqu’il y vint