Page:Lavignac - Le Voyage artistique à Bayreuth, éd7.djvu/74

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bien meilleure ; mais quelle fut l’indignation de tous lorsqu’on s’aperçut, un peu plus tard, que la partition était celle du Barbier et qu’elle était à l’envers sur le pupitre !

Wagner écrivait encore à son ami Rœckel : « Si, au demeurant, une chose avait pu accroître mon mépris du monde, ce serait mon expédition de Londres. Laisse-moi seulement te dire en peu de mots que je paye cruellement la sottise que j’ai faite en acceptant cet engagement, entraîné que j’étais, malgré les expériences déjà subies, par une folle curiosité. »

Pendant son séjour à Londres, le Maître confia à Klindworth le soin de réduire ses partitions au piano.

C’est à son retour d’Angleterre que, tout en souffrant de fréquents accès d’érysipèle facial, il termina l’instrumentation de la Walkyrie ; puis, qu’effrayé du travail lui restant à accomplir pour achever l’Anneau du Nibelung, qu’il n’entrevoyait pas alors la possibilité de faire exécuter sur aucune scène, et désirant édifier une œuvre qui eût quelque chance d’être facilement représentée, il se mit à travailler activement au poème de Tristan.

Parmi le petit cercle choisi que le Maître aimait à fréquenter à Zurich se trouvait, avec Wille et Gottfried Semper, le poète Herweg, fervent disciple et admirateur de Schopenhauer. Il fit connaître les œuvres du philosophe à Wagner, qui en conçut une vive impression. C’est sous l’influence de ces idées et aussi de la tragédie intime qui se jouait en ce moment dans son âme, que Wagner écrivit son nouveau drame, qu’il termina en 1859.

Il fut tout d’abord question de le jouer à Karlsruhe, où le rôle de Tristan devait être tenu par Schnorr un jeune ténor du plus grand talent, qui avait voué un véritable culte à la musique de Wagner. Mais le Maître ne connaissait le chanteur que par ouï-dire, et hésitait à pren-