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comprendre de différentes manières, il importe de saisir que la mélodie wagnérienne n’est astreinte ni aux lois de la carrure, ni à se mouvoir dans une tonalité unique, ni à se terminer par une cadence parfaite. C’est la mélodie libre et infinie, dans le sens de non finie, c’est-à-dire ne se terminant jamais et s’enchaînant toujours à une autre mélodie, admettant aussi toutes les modulations. C’est, si on aime mieux, une suite ininterrompue de contours mélodiques, de tronçons de mélodie ayant plus ou moins le caractère vocal. L’exemple de telles mélodies discontinues est donné par Beethoven dans son développement symphonique, où il n’étonne nullement ; mais il appartenait à Wagner de transporter la symphonie au théâtre et d’en faire le commentaire vivant de l’action, le puissant auxiliaire de la parole.

Le plus souvent, donc, c’est à l’orchestre qu’est dévolue cette mélodie perpétuelle, laissant ainsi au chanteur toute liberté dans sa déclamation musicale, au grand profit de la vérité de la diction. Ces deux points, la sincérité absolue de l’accent dramatique et sa liaison intime de tous les instants avec le tissu symphonique, peuvent être considérés comme la caractéristique du style wagnérien parvenu à sa plus complète expansion.

Dans le genre, fort en vogue en France depuis quelques années, qu’on appelle l’adaptation musicale, honorable dérivé de l’ancien mélodrame, nous voyons un déclamateur, tragédien ou comédien, réciter des vers dont l’orchestre, ou parfois, hélas ! le piano, s’efforce de souligner l’accent.

Quoique hybride, cette combinaison peut atteindre à une intensité considérable[1] ; mais quelle difficulté d’exé-

  1. Meyerbeer, l’un des premiers, en a donné l’exemple dans une des dernières scènes de Struensée.