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guerrières, Brünnhilde et ses sœurs, dont il voulait faire l’instrument de son salut : les Walkyries ont reçu de lui la mission d’amener au Walhalla tous les héros morts sur les champs de bataille, et de peupler ainsi le royaume de Wotan de défenseurs intrépides pour le jour où l’armée d’Alberich s’avancerait menaçante. Mais toutes ces précautions seraient vaines si le gnome pouvait de nouveau s’emparer de l’anneau maudit ; il faut l’en empêcher à tout prix, et pourtant Wotan ne peut dérober à Fafner ce qu’il lui a donné jadis. Un seul pourrait accomplir ce prodige : ce serait un héros libre, indépendant, et qui agirait inconsciemment, sans en avoir reçu la mission. Le dieu avait choisi Siegmund son fils pour être ce héros ; dès longtemps il l’a préparé à cet acte de rédemption : il a erré avec lui dans les forêts, le stimulant à la témérité ; il l’a armé d’une épée invincible ; mais à quoi serviront maintenant tous ces soins, puisque Fricka a contraint son époux à céder à ses vœux ?

La fureur et le désespoir de Wotan éclatent à la pensée d’abandonner celui qu’il aime et qu’il aurait voulu protéger, et, dans sa désolation, il maudit sa souveraineté et souhaite la fin des dieux. Cette fin, il la prévoit ; Erda la lui a annoncée pour le jour où naîtrait un fils à Alberich : or ce fils est enfanté, il va voir le jour ; et Wotan, dans l’excès de sa colère, lui lègue les tourments et les splendeurs funestes de la divinité.

En vain Brünnhilde plaide-t-elle la cause de Siegmund, qu’elle sait aimé de son père ; elle voudrait agir selon le secret désir du dieu, en dépit du serment qu’il a fait ; mais Wotan est inébranlable ; il lui enjoint avec amertume d’obéir à Fricka ; et, menaçant la Walkyrie de son châtiment si elle tentait de transgresser ses ordres, il s’éloigne dans la montagne