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absorbé dans l’examen du fin soulier ; il l’enlève, pour l’arranger, du pied de sa jeune amie, se dirige vers l’établi comme s’il n’avait rien vu, et philosophe tout en travaillant ; il exprime le plaisir qu’il aurait si, pendant qu’il accomplit sa besogne, quelqu’un voulait lui chanter de poétiques couplets. Qu’il en a entendu de jolis tout à l’heure et qu’il voudrait en connaître la suite ! Walther, qui a compris l’invite, se met à chanter le troisième bar de son Morceau de Concours, qui traite, comme les autres, de son amour, et de son culte pour l’objet de sa passion. Sachs, qui s’est occupé tout le temps de son travail, rapporte les chaussures et les remet à Eva, restée jusqu’ici immobile et comme en extase. Elle comprend alors ce qui vient de se passer ; troublée par cette musique si poétique, par la délicate bonté de son noble ami, par son dévouement à leur cause, vaincue par l’émotion, elle éclate en sanglots et tombe dans les bras de Sachs, qu’elle presse sur son cœur, tandis que Walther, s’approchant aussi, serre les mains de l’homme excellent qui a tant fait pour lui. Hans, pour cacher l’attendrissement qui le gagne, lui aussi, se livre, moitié riant, à quelques considérations plaisantes sur son difficile métier de cordonnier… et de confident de jeunes filles qui cherchent des maris ; puis, pour pouvoir laisser seuls les deux tourtereaux, il feint de chercher David ; mais Eva le retient ; elle veut lui exprimer toute la reconnaissance dont son cœur déborde et toute l’affection qu’elle éprouve pour lui, affection qui lui aurait fait le choisir pour époux si un autre amour plus violent n’avait pris place en son cœur. Le bon Sachs repousse cette pensée : s’il l’a eue un instant, la triste histoire de Tristan et Iseult et du roi Marke lui a servi d’exemple et l’a empêché de s’égarer dans un rêve téméraire. Il ne s’appesantit pas sur ces pensers dangereux et appelle