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autour des deux amants et suspecte surtout Mélot, qui, dès la première heure, alors que le roi venait sur le pont du navire recevoir sa fiancée, scrutait l’attitude agitée de Tristan et d’Iseult et a dû découvrir la cause du trouble qui régnait dans leurs âmes. Depuis, il les épie constamment ; et cette chasse nocturne organisée à son instigation doit cacher un piège, celer quelque perfidie. Malgré les protestations de la reine, qui a une foi aveugle en la fidélité de Mélot, le confident, l’ami de Tristan, Brangaine se désole de la désobéissance qui lui a fait substituer le philtre d’amour au breuvage fatal ; mieux eût valu le sombre et bref dénouement que ces cruelles angoisses. Elle s’accuse amèrement de tous les maux qui peuvent fondre sur sa maîtresse.

— Non, lui dit celle-ci, Brangaine n’est pas coupable ; dame Minne[1] a tout fait : c’est elle, à qui la vie et la mort sont soumises, qui a transformé la haine en amour ; Iseult est désormais sa vassale et subira aveuglément ses arrêts.

Malgré Brangaine qui l’exhorte à la prudence, elle arrache la torche et l’éteint sur le sol : c’est le signal convenu avec Tristan. Brangaine se détourne consternée et monte lentement l’escalier qui conduit à la plate-forme de la maison.

Iseult alors fouille du regard l’avenue, cherchant à voir dans la nuit ; enfin ses gestes indiquent qu’elle a aperçu le bien-aimé ; son émotion est à son comble.

Scène ii. — Tristan entre impétueusement ; ils se précipitent dans les bras l’un de l’autre d’un élan passionné. Leurs cœurs débordent d’amour et de ravissement ; ils maudissent la lumière du jour, si hostile à leur bonheur ; n’est-ce pas le jour qui amena Tristan en Irlande afin de

  1. Minne personnifiait l’amour. Elle était la protectrice des amants.