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témoignent de cette conviction, avec laquelle un caractère opiniâtre comme le sien ne pouvait se laisser dévier de la ligne droite, du but obstinément poursuivi.

L’art nouveau qu’il a créé, dit-il lui-même, dérive de l’ancien théâtre grec. Or, chez les Grecs, nous voyons réunis sous le seul nom de musique trois arts qui à présent nous semblent distincts : la poésie, déjà dans sa splendeur; la musique, alors bien rudimentaire ; et la danse, qu’il faut considérer comme de la mimique ; les mêmes personnages formant le chœur chantaient sur des paroles rythmées et dansaient à la fois ; cet ensemble constituait l’art des Muses, la musique, qui était donc un art complexe si jamais il en fut. Et l’on n’a jamais entendu dire qu’il fût question en ce temps-là, comme de nos jours, d’une collaboration entre un poète, un musicien et un chorégraphe ; la tragédie entière sortait, tout armée, du cerveau d’un seul et unique auteur, lequel était un philosophe poète et musicien.

Tel est aussi Wagner, un génie dramatique complet, se suffisant à lui-même et ayant pour principe inné que la plus haute puissance tragique ne se peut obtenir que par l’union intime et de tous les instants entre la musique et la poésie aidées de la mimique, chacune d’elles restant dans sa sphère d’action et y déployant, sans gêner l’autre, ses moyens les plus intensifs.

Ceci demande quelque explication ; car, dira-t-on, de tout temps cela s’est fait, on a mis de la musique sur des paroles. C’est bien aussi ce qui a fait que pendant un temps Wagner a cru que la forme de l’opéra pourrait correspondre à son desideratum ; on y trouve, en effet, au moins depuis Gluck, la concordance expressive du mot avec la note, du son avec la parole, du vers avec le sentiment mélodique ; mais il est incontestable que le scénario,