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la pique. L’inquiétude des Burgondes devint grande. — « Par mes armes, s’écria Hagene, quelle amante a choisie le roi ! Qu’elle soit en enfer, la fiancée du diable maudit ! »

Elle entoura de brassards ses bras blancs, saisit le bouclier d’une main et leva le javelot. La lutte commençait. Les malheureux étrangers craignaient la fureur de Brunbilt.

Et si Siegfrid n’était pas venu au secours de Gunther, elle lui eût arraché la vie. Siegfrid s’approcha de lui sans être vu et lui toucha la main. Gunther s’aperçut avec inquiétude de son artifice.

« Qui m’a touché ? » pensa l’homme hardi. Il regarda partout et ne vit personne. L’autre parla : — « C’est moi, Siegfrid, ton ami dévoué. Ne crains rien de la reine. »

Il ajouta : — « Que tes mains abandonnent ton bouclier ; laisse-le moi porter et prête attention à tout ce que tu m’entendras dire. Fais les gestes, je ferai l’œuvre. » Quand le roi le reconnut, cela lui fit plaisir.

— « Dissimule ma ruse ; cela vaut mieux pour nous deux. De cette façon la reine n’exercera point sur toi sa superbe arrogance, ainsi qu’elle en a l’intention. Et maintenant regarde comme elle se tient toute prête devant toi au bord du cercle. »

Elle lança la pique avec grande force, la vierge superbe, sur le grand bouclier neuf et large, que le fils de Sigelint portait à son bras. Le feu jaillit de l’acier comme si l’ouragan eût soufflé.

Le tranchant du fort javelot traversa le bouclier, et l’on vit sortir le feu des anneaux de la cotte de mailles. Du coup ces deux hommes si forts tombèrent ; sans la Ternkappe, tous deux étaient morts.