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plus avec leur suite, les vivres et leurs armes. Maints bons chevaliers durent se mettre aux rames, en ce jour.

Ils portèrent dans le bateau leur or et leurs vêtements, puisqu’ils devaient faire la traversée. Hagene les dirigeait ; il conduisit ainsi à l’autre bord, dans le pays inconnu, maints beaux guerriers.

Il transporta à l’autre rive mille nobles chevaliers, ainsi que ses propres guerriers. Il y en avait même davantage. Il passa aussi les neuf mille varlets. De tout le jour, la main de l’audacieux héros de Troneje ne se reposa point.

Tandis qu’il les conduisait sains et saufs sur les ondes, il pensa, la bonne épée, à l’étrange prédiction que lui avaient faite les sauvages femmes des eaux. Peu s’en fallut qu’il n’en coûtât la vie au chapelain du roi.

Il alla trouver le prêtre près des objets sacrés. La main de celui-ci était appuyée sur les reliques ; mais cela ne pouvait le sauver. Quand Hagene le regarda, le pauvre serviteur de Dieu dut se trouver mal à l’aise.

D’un mouvement rapide, il le lança hors de la barque. Plusieurs s’écrièrent : « Arrêtez, seigneur, arrêtez. » Gîselher le jeune commença de s’irriter, mais Hagene n’écouta rien, qu’il n’eût exécuté son projet.

Gêrnôt, le prince burgonde, parla : — « Hagene, à quoi vous sert maintenant la mort du chapelain ? Si un autre avait agi de la sorte, vous en seriez affligé. Pour quelle faute avez-vous pris ce prêtre en haine ? »

Le prêtre nageait bien ; il se fût sauvé, si quelqu’un lui était venu en aide ; mais il n’en put être ainsi, car le fort Hagene (grande était sa colère) le repoussa au fond de l’eau : ce qui ne parut bon à personne.

Le pauvre chapelain voyant qu’il n’aurait nul secours,