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Gunther demanda à ses hommes si le message leur plaisait. Plusieurs se mirent à dire

Qu’ils chevaucheraient volontiers vers le pays d’Etzel. Les meilleurs de ceux qui se trouvaient là lui donnèrent ce conseil, sauf le seul Hagene qui ressentait à la fois de la colère et de la peine. Il dit à part au roi : — « Vous êtes en contradiction avec vous-même.

« Vous savez cependant fort bien ce que nous avons fait : nous devons toujours nous défier de Kriemhilt ; car de ma main, j’ai donné la mort à son époux. Comment oserions-nous aller dans le pays d’Etzel ? »

Le roi puissant reprit : « Ma sœur avait oublié sa haine avant de quitter ce pays ; elle a pardonné — ses affectueux baisers l’ont prouvé — tout ce que nous avons pu faire. À moins, Hagene, qu’elle ne vous en veuille à vous seul. »

— « Quoi qu’elle puisse vous mander par ces envoyés des Hiunen, ne vous laissez pas tromper, dit Hagene. Voulez-vous aller voir Kriemhilt ? vous y pourrez perdre et la vie et l’honneur. Elle a la vengeance tenace, la femme du roi Etzel. »

Le prince Gêrnôt dit à celui qui donnait ce conseil : — « Si vous avez des raisons de craindre la mort dans les États des Hiunen, est-ce que pour cela nous devons renoncer à voir notre sœur ? Cela serait très mal fait. »

Alors le prince Gîselher dit au guerrier : — « Puisque vous vous sentez coupable, ami Hagene, demeurez donc ici. Gardez-vous de tout danger et laissez de plus hardis aller avec nous vers notre sœur. »

La bonne épée de Troneje commença à s’irriter : — « Je ne veux pas que vous ameniez avec vous en votre expédition quelqu’un qui soit plus prêt que moi à vous