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Le cœur de Kriemhilt était affligé d’une nouvelle douleur. Son époux mort, on venait lui enlever maintenant tout son trésor. Durant sa vie, sa plainte ne finit plus jusqu’à son dernier jour.

Après la mort de Siegfrid — ceci est la vérité — elle demeura, treize ans, en proie à mainte affliction. Elle ne pouvait oublier la mort du héros et elle lui fut fidèle, ainsi l’affirme-t-on généralement.

Après la mort de Dancrât, dame Uote fonda une riche abbaye princière, dotée de beaucoup de fertiles terres à labour qui lui appartenaient. Le couvent de Lôrse [1] les possède encore, et il lui en revient beaucoup d’honneur.

Kriemhilt donna aussi, d’une main prodigue, une grande quantité d’or et de pierreries pour le repos de l’âme de Siegfrid et pour celui de toutes les âmes. On n’a jamais ouï parler d’une femme aussi fidèle.

Depuis que dame Kriemhilt, après avoir pardonné à Gunther, avait perdu le grand trésor par sa trahison, les douleurs de son âme étaient mille fois plus poignantes. La noble et haute dame aurait voulu quitter Worms.

Une résidence d’une grande richesse fut préparée pour dame Uote près de son couvent de Lôrse. La veuve s’y retira, quittant ses enfants. La noble princesse y repose enterrée dans un tombeau.

La reine parla : — ma fille bien-aimée, puisque tu ne peux rester ici, viens près de moi à Lôrse, dans ma

  1. Lorse, anciennement Lorissa, Lorsch ou Laurisheim, près du Rhin, non loin de Worms. L’abbaye de Lorsch fut fondée en 764, par Cancor, comte dans le Rheingau, et par sa mère Williswinda, d’origine carlovingienne.