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grande que fût sa soif, il ne voulut point boire avant que le Roi eût bu. Il en reçut bien funeste récompense.

L’eau de la source était fraîche, transparente et bonne ; Gunther se baissa vers le flot ; puis il se releva quand il eut bu. Le brave Siegfrid en eût volontiers fait autant.

Il paya cher sa bonté. Hagene emporta loin de lui l’arc et l’épée, puis il revint en hâte saisir la pique. Alors il chercha la marque sur le vêtement du héros.

Au moment où le seigneur Siegfrid se penchait sur la fontaine pour y boire, il le frappa, à travers la petite croix marquée, si violemment, que le sang du cœur jaillit de la blessure jusque sur les habits de Hagene. Jamais guerrier ne commit pareille scélératesse.

Il laissa la pique fichée dans le cœur. Jamais, devant nul homme au monde, Hagene n’avait fui si affreusement. Quand le fort Siegfrid sentit la profonde blessure.

Furieux il se releva de la source en bondissant. Le bois de la longue pique lui sortait du cœur. Le Chef croyait trouver sous sa main son arc et son épée : Hagene eût été récompensé selon son mérite.

Le héros blessé, ne trouvant point son épée, saisit son bouclier au bord de la fontaine et poursuivit Hagene. L’homme-lige du roi Gunther ne pouvait échapper.

Quoique blessé à mort, Siegfrid le frappa si rudement de son bouclier, que les riches pierreries en jaillirent et qu’il se brisa en éclats. Ah ! qu’il eût voulu se venger, le noble hôte !

Soudain, par sa main, Hagene est abattu. La clairière retentit bruyamment de la force du coup. S’il avait tenu son épée, Hagene était mort. Il s’irritait de sa blessure et sa détresse était grande.