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de sa suite. Elle-même avait tant de richesses sur elle, que trente femmes de roi n’auraient pu montrer ce qu’elle étalait sur sa seule personne.

Quand il l’aurait voulu, nul n’eût osé dire qu’on avait jamais vu porter des costumes aussi riches que ceux que portaient en ce moment ses compagnes si bien mises. Si ce n’eût été pour mortifier Brunhilt, Kriemhilt n’y eût point attaché d’importance.

Elles arrivèrent ensemble devant la vaste église. La dame du logis agit ainsi par grande haine : elle ordonna rudement à Kriemhilt de s’arrêter. « Jamais la femme d’un vassal ne doit marcher devant la femme d’un roi. »

Alors la belle Kriemhilt parla ; elle était animée de fureur : — « Si tu avais pu te taire encore, cela eût mieux valu pour toi. Tu as déshonoré ton beau corps. Comment la concubine d’un homme pourrait-elle jamais devenir la femme d’un roi ? »

— « Qui donc ici appelles-tu concubine ? » s’écria l’épouse de Gunther. — « C’est toi que je nomme ainsi, dit Kriemhilt. Mon mari bien-aimé, Siegfrid, a le premier possédé ton beau corps. Oui, ce n’est pas mon frère qui t’a eue vierge.

« Où donc étaient tes esprits ? C’était par un coupable caprice que tu le laissais aimer par celui qui était ton vassal. C’est donc sans raison, ajouta Kriemhilt, que tu voudrais te plaindre de mes paroles. » — « Par ma foi, répondit Brunhilt, je dirai tout ceci à Gunther. »

— « Eh ! que m’importe ! Ton orgueil t’a trompée. Tu m’as, en tes discours, soumise à ton service ; sache-le bien, tu peux m’en croire, ce sera pour moi une blessure éter-