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822 ÉROT

Aii est tout prêt à brûler le remple d’Èphèse, s’il n’a pas les moyens de le bâtir. »

Arnaui/t, .

Le succès des articles contre Racine fut si instantané, que, dans l’espace de deux mois, la Presse perdit trois mille abonnés ! M. Granier de Cassagnac était célèbre.

« Ces articles étaient depuis longtemps oubliés ; mais M. Granier de Cassagnac n’a pas voulu que ces injures contre le prince des poëtes n’arrivassent pas à la postérité. Qu’aurait dit Erostrate si l’on n’avait pas su que c’était lui qui avait brûlé le temple d’Éphèse ? Nous avons donc sous les yeux ce grand travail, revu et. corrigé.»

Edmond Tbxibr.

ÉROTÉMATIQUE adj. (é-ro-té-ma-tikeeroiêmaiikos ; de eromai, j interroge). Philos. Mis sous forme d’interrogation : Argument ÉROTÉMATIQUE. Enseignement érotématique. Méthode érotématique.

EROTIANUS, grammairien ou médecin grec du 1er siècle de notre ère. Il vivait du temps de Néron. On a de lui un glossaire des œuvres d’Hippocrate, qui a été publié pour la première fois par Henri Estienne, (fans le Dictionarium medicum (Paris, 1564, in-8°). Il a été plusieurs fois réimprimé depuis, notamment à Leipzig par Fréd. Franz (1780, in-8°).

ÉROTICÔ-BACHIQUE adj. Néol. Qui concerne à la fois l’amour et le vin : Lies débau-cites érotico-bacuiqueS. Des chansons érotico-bachiQUES. Il est tombé aux mains de rêueurs, de harangueurs, de gastrosop/tes ; le socialisme s’est fait sentimental, communiste, Érotico-backique, omnigame. (Proudh.)

ÉROTICOMAN1E s. f. (é-ro-ti-ko-nm-nldugr. erotikos, erotique, et de manie). Syn.

d’ÉROTOMANIB.

ÉROTIDIES s. f. pi. (é-ro-ti-dî — du gr. erâlidia ; de erôs, amour). Antiq. gr. Fête en l’honneur d’EroS, dieu de l’amour, ’ que les Thespiens célébraient tous les cinq ans. Il On dit aussi BROTIES.

ÈROTION s. m. (é-ro-si-on). Bot. Syn. de

FRÉZIÉRE.

EROTIQUE adj. (é-ro-ti-ke — gr. eràtikos ; de Erôs, l’Amour, le même que le sanscrit vitras, amour, préférence ; de la racine sanscrite var, aimer, préférer ; gothique weriu, allemand, ehre, wahre, anglais ware, lithuanien wieriju, russe wieriu). Qui a rapport à l’amour, qui concerne l’amour : Passion, délire erotique. Alkidias, Ithodien, est pris de délire erotique pour une statue de Cupidon, de Praxitèle. (Esquiros.) Par la possession, l’idéalisme erotique se détruit aussi rapidement qu’il s’est allumé. (Proudh.) Il Qui a l’amour pour sujet ; qui parle, qui traite de l’amour : Les œuvres erotiques d ovide. Des chansons, des couplets erotiques, La poésw erotique n’est pas l’enfance, Mais l’enfantillage de la poésie. (Ste-Beuve.) |[ Qui a écrit des ouvrages erotiques : Les poètes

EROTIQUES,

— s. m. Auteur erotique : Les erotiques grecs. Les erotiques latins. [I Ouvrage erotique : Théophraste, qui avait été disciple d Aristote, et Aristote lui-même avaient écrit des erotiques comme Cléarque. (Huet.)

— Encycl. Littér. Poésie erotique. Comme l’indique la racine grecque, erôs, amour, la poésie erotique a pour objet de chanter et do peindre la passion amoureuse, quelle que soit d’ailleurs la forme employée : poëme, didactique, élégie, ode, épître, etc. Chez les Grecs, Anacréon et Sapho y excellèrent : Anacréon, si délicat et si gracieux ; Sapho, si ardente, si lyrique, dont l’exaltation pour les hétaïres, ses compagnes, a imprimé à son nom une réputation d’immoralité hors nature, que démentent heureusement les témoignages bien étudiés des anciens. À Rome, Catulle, imitateur de Sapho et d’Anacréon, a exprimé l’amour avec les défauts d’une langue encore rude, avec la passion presque exclusivement sensuelle de son époque, avec la pente de son talent à l’esprit et à la malignité. Ses élégies sont rarement animées d’un sentiment tendre ou passionné ; elles sont remplies d’une malignité mordante. Bien qu’elles soient justement estimées et appréciées par les meilleurs critiques, bien qu’elles aient charmé Racine lui-même, on ne peut disconvenir qu’elles forment un mélange de sentiments opposés et de contradictions. Cette Lesbie tant aimée comme une jeune fille naïve, comme une amante tendre et pure, comme une maîtresse pudique, devient en d’autres passages une coquette, une femme qui trompe son mari, une courtisane éhontée qui se prête à la lubricité des promeneurs nocturnes. Où Catulle est vraiment ému, où il fait sentir admirablement les mouvements de l’âme, avec leurs nuances vives et variées, c’est dans les Noces de Thétys et de Pelée, dans YEpithalame de Manlius, et dans quelques autres pièces analogues. Properce imita aussi les Grecs ; mais il choisit surtout pour modèles les poëtes érudits, Callimaque et Philétas, et transporta dans la poésie latine la science archéologique de ces deux Alexandrins. Cette science forme chez lui un accompagnement singulier à la passion amoureuse. Des critiques en ont conclu

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qu’il avait fait une œuvre d’érudition, non de sentiment, et que sa Cynthie était une maitresse imaginaire. Pourtant Cynthie exista. Elle était à peine au-dessus de la classe des courtisanes, cette beauté qu’il représente par une succession de souvenirs mythologiques, au lieu de la peindre avec des traits précis : elle est Ariane ou Andromède quand elle dort, Niobé, Briséis ou Andromaque lorsqu’elle pleure. Mais s’il oublie ses modèles, s’ils se laisse aller à ses sentiments, à son originalité, il devient parfois sincère, énergique ; en ces moments, avec plus d’invention et de fécondité, il serait un grand poète. Ttbulle, au contraire de Properce et même de Catulle, a une véritable sensibilité, pleine d’abandon et de mélancolie, un peu efféminée. Ce qui le distingue des autres élégiaques latins, c’est une tendresse vive et touchante qui mêle toujours les affections de l’âme aux plaisirs des sens. Dans ses rêves de bonheur, il place, au milieu d’une belle campagne, son ami à côté de sa maîtresse, ou plutôt de sa femme. En attendant qu’elle soit mère, il lui met sur les genoux un petit esclave, qu’elle caresse. On comprend, en lisant ce poète si doux, si rempli d’affection, que ses deux maîtresses, Délie et Némésis, aient pleuré à ses funérailles. L’ami de Tibulle, Ovide, se montra, dans le recueil élégiaque intitulé les Amours, presque aussi tendre que lui ; il y trouva des inspirations touchantes, d’inimitables élans de volupté. En même temps, il voilait sous le charme du naturel un art savant, exquis, varié, souverainement ingénieux dans les tours et les images. Le même art, la même délicatesse se retrouvent dans Y Art d’aimer, code de l’amour, où les doux égarements de la passion, peints avec des expressions vives et fines, vont jusqu’aux dernières limites de la décence sans outrager la pudeur, où les lois, les ruses, les mystères de l’amour, embellis par le charme du talent et l’éclat du coloris, plaisent à l’intelligence plus encore qu’ils n’excitent les désirs voluptueux.

Chez les peuples modernes, la poésie erotique compte aussi des œuvres aimables. Plus voilée dans les langues du Nord, plus ardente dans celles du Midi, elle est toujours gracieuse, quelquefois tendre, passionnée, mélancolique. On la trouve en France, dès le moyen âge, chez les troubadours, tandis qu’elle n’existe pas, dans le vrai sens du mot, chez les trouvères. Avec la Renaissance et le xvic siècle, on la voit se déployer, à l’imitation des anciens.

Parmi les poëtes de la Renaissance qui chantèrent l’amour, soit dans leur langue nationale, soit en usant des langues de l’antiquité, il faut placer au premier rang Jean Everaerts, si connu sous le nom de Jean Second. Mort k vingt-cinq ans, il laissa des poésies latines dont le naturel et la facilité furent rarement égalés : des épîtres, des odes, des épigrammes, des élégies, et les Baisers (Basia), Ces dernières pièces, au nombre de dix-neuf, l’ont fait comparer à Catulle. Elles sont tendres, voluptueuses, gracieuses et vives ; mais on est heureux de n’y pas trouver ces expressions obscènes que le poëte latin prodigue avec une verve cynique. Le célèbre Mirabeau en a fait une traduction en prose (1796), et Tissot une élégante traduction en vers (1806).

Les élégies de Clément Marot sont d’une douceur pénétrante, ont quelque chose de suave et de tristement préoccupé. Écoutez ses Plaintes d’amour :

Qu’ay-je meffaict, dictes, ma chère amye ?

Vostre amour semble estre toute endormye :

Je n’ny de vous plus lettres ne langage ;

Je n’ay de vous un seul petit message ;

Plus ne vous voy aux lieux accoustumez.

Sont jà estainetz vos désirs allumez

Qui avec moy d’un mesme feu ardoient ?

Où sont cez yeux lesquels me regardoient

Souvent en ris, souvent avecque larmes ?

Où sont les motz qui tant m’ont faict d’alarmes ?

Où est la bouche aussi qui m’apaisoit

Quand tant de fois et si bien me baisoit ?

Où est le oueur qu’irrévocablement

M’avez donné ? Où est semblablement

La blanche main qui bien fort m’arrestoit

Quand de partir de vous besoing m’estoitî...

À cette époque, tous les poètes trouvèrent des accents de passion amoureuse. Mellin de Saint-G-elais lui-même, si renommé pour sa raillerie, que l’on appelait « la tenaille de Mellin, » et par la recherche galante empruntée à l’Italie, montra du sentiment dans les Douée baisers gaignés au jeu :

Douze est bien peu au prix de l’indni Dont mon désir doit estre defflni ; Car quand j’aurois cent mille fois baisé Mon cœur encor ne seroit appaisé : Amour est dieu, et nous fumée et ombre ; Ne luy saurions satisfaire par nombre...

Dans plus d’un sonnet, Ronsard invite celle pour qui son cœur éprouve un tendre sentiment à ne pas laisser perdre le temps d’aimer :

Vous mesprisez nature : estes-vous si cruelle De ne vouloir nymer ? Voyez les passereaux Qui démènent l’amour, voyez les coîombeaux ; . Regardez le ramier, voyez la tourterelle ;

Voyez, de cà de là, d’une frétillante aile Voleter par les bois les amoureux oiseaux ; Voyez la jeune vigne embrasser les ormeaux, Et toute chose rire en la saison nouvelle,

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Icy, la bergerette, en tournant son fuseau, Pesgoise ses amours, et là le pastoureau Respond a sa chanson ; icy, toute chose aime, Tout parle de l’amour, tout s’en veutenflamer ; Seulement votre cœur, froid d’une glace extrême, Demeure opiniastre et ne veut point aimer.

Olivier de Magny a souvent célébré sa belle, comme dans le sonnet suivant :

Je l’aime bien pour ce qu’elle aies yeux Et les sourcils de couleur toute noire, Le teint de rose et l’estomac d’ivoire, L’haleine douce et le ris gracieux ; Je l’aime bien pour son front spacieux Où l’Amour tient le siège de sa gloire, Pour sa faconde et sa riche mémoire. Et son esprit plus qu’autre industrieux ;

Je l’aime bien pour ce qu’elle est humaine, Pour ce qu’elle est de savoir toute pleine, Et que son cœur d’avarice n’est poingt. Mais qui me fait l’aimer d’une amour telle, C’est pour autant qu’elP me tient bien en point, Et que je dors, quand je veux, avec elle.

Celle qu’aimait Olivier de Magny, la belle cordière de Lyon, Louise Labé, exprima l’amour avec cette passion qu’elle ressentait, selon son expression, « en ses os, en son sang, en son âme. »

Tout aussi tôt que je commence à prendre

Dans le mol lit le repos désiré,

Mon triste esprit, hors de moy retiré,

S’en va vers toy incontinent se rendre.

Lors, m’est advis que, dedans mon sein tendre,

Je tiens le bien où j’ay tant aspiré.

Et pour lequel j’ay si haut souspiré,

Que de sanglots ay souvent cuidé fendre.

0 doux sommeil, 6 nuit a moy heureuse ! Plaisant repos, plein de tranquillité, Continuez toutes les nuits mon songe ;

Et si jamais ma povre âme amoureuse

Ne doit avoir de bien en vérité,

Faites au moins qu’elle en ait en mensonge !

Tandis que le gentil Remy Belteau imite Anacréon et enserre mollement dans ses bras sa Cythérée, Joachim du Bellay, Jacques Tahureau, Amadis Jamyn et leurs amis font entendre aussi des accents gracieux et passionnés. Du Bellay s’écrie :

Sus, ma petite colombelle,

Ma petite belle rebelle,

Qu’on me paye ce qu’on me doit :

Qu’autant de baisers on me donne

Que le poète de Véronne

À sa Lesbie en demandoit.

Mais pourquoy te fais-je demande De si peu de baisers, friande ? Si Catulle en demande peu, Peu vrayment Catulle en désire, Et peu se peuvent-ils bien dire, Puisque compter ils les a peu (pu)...

Ei Tahureau :

Baise-moy tost migoarderaent ; *

Baise-moy colombWtîjment.

Tu ne veux donq 4’je je te touche ?

Ça, redonae-moy ’jitte bouche,

Et me baisant soufre qu’un peu

J’esteigne l’ardeur de mon feu.

Ha, la ! friande, que mon âme

Se pert doucement en ton basme (baume) 1

Ne t’endors point "Je ce sommeil,

Ne t’endors point, mon petit œil,

Ne t’endors point, ma colombelle.

Ne t’endors point, ma tourterelle ;

Ha ! Dieu, qu’il ff.it bon mordiller

Ces belles roses, et ciller

Un million de mignardises.

Pendant que, par douces frintises,

Ce bel œil nageant à demy

Contrefait si bien l’endormy...

Amadis Jamyn, moins voluptveux, plus modéré, tourne avec beaucoup d’î-.rt et de goût les stances dans lesquelles : i conseille l’amour aux dames : Pour estre bien aimée, il faut airaeï aussi. C’est une antique loy par nature.oublie, Et de tout ce qu’on pense et qu’or désiré icy. C’est la plus belle grâce et la plus accomplie.

Celle-là qui s’obstine avec la cruauté, A soy plus qu’à nul autre entreprend mener guerre ; Les jeunes-ans fuitifs emportent la beauté Que, fresle, on voit casser aussi tost que du verre.

Il y eut, on le voit, à cette époque où le génie français avait les joyeux sourires d’une aurore radieuse, un grand épanouissement de la poésie erotique. L’époque suivante, qui commence à Malherbe et comprend le xvue siècle, fut l’époque de la gravité, de la grandeur, des héros antiques rajeunis ; elle dédaigna la grâce trop lestement vêtue. Toutefois, sans parler de La Fontaine, dont le talent exquis a donné dans quelques passages de ses contes des modèles du genre erotique, plusieurs auteurs ont, h. certains moments, composé des vers qui s’y rattachent. Boileau lui-même a écrit :

Voici les lieux charmants où mon âme ravie

Passait, à contempler Sylvie, Ces tranquilles moments si doucement perdus. Que je l’aimais alors, que je la trouvais belle ! Mon cœur, vous soupirez au nom de l’infidèle : Avez-vous oublié que vous ne l’aimez plus ?...

Jean Hesnault a chanté, dans le Bail du cœur de Chloris :

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... Deux globes plus blancs que la neige nouvelle Aux côtés du cœur flanqués, Où les pôles sont marqués D’une framboise éternelle.

Mais la poésie erotique reprit surtout son éclat lorsqu’elle eut reparu dans les vers aimables de Chaulieu et de La Fare, dans les vers si variés, si spirituels et si aisés de Voltaire. Alors Gentil-Bernard chante Claudine :

Claudine est belle et suffit à mes vers.

T.es seuls appas composaient la parure ; Et tes cheveux, bouclés ù l’aventure. Flottaient au vent sous un chapeau de fleurs. Je démêlai ce feu dont la nature Fait pétiller, dans tes yeux séduisants, Tous tes désirs d’un instinct de seize ans ; Cette candeur, cette vérité pure, Et ce regard innocent et malin, Lorsque tu vois l’albâtre de ton sein S’élever, croître et décroître à mesura, Et s’arrondir sous un corset de lin...

Saint-Lambert rime YÉpître à Chloé : Rappelle-toi ce soir où, sensible à mes vœux, Tu daignas par un mot dissiper mes alarmes : Oui, j’aime !... Que ce mot embellissait tes chnrtlH-5.’

Qu’il irritait mes transports amoureux ! Déjà tous mes soupirs expiraient sur ta bouche : Je voulus tout tenter ; mais, sans être farouche.

Tu repoussas l’amour égaré dans tes bras. Je ravis des faveurs et je n’en obtins pas.

Va, ton honneur est d’être belle ;

Ton devoir est d’être fidèle ; Tes lois sont dans ton cœur, les amours sont les dieux :

Jeune Chloé, qu’ils soient tes guides.

Ce prélude voluptueux Va nous conduire à des biens plus solides. L’Amour, en se jouant, fatiguait ta vertu.

Tu sens l’ennui de te défendre ;

À l’honneur d’avoir combattu Hâte-toi d’ajouter ie plaisir de te rendre.

Dorât, malgré sa recherche et son faux brillant, trouve des expressions vraiment fines et gracieuseSj presque naturelles, dans quelques pièces où il badine avec l’amour :

Un mois dans un désert ! es-tu de bonne foi ?

Quoi ! toi, vive, aimable et légère, "

Dans un désert, et surtout avec moi,

L’amant le moins champêtre et le moins solitaire ! ’ On t’adore en ces lieux ; ils sont ornés par toi.

Doit-on abandonner les lieux où l’on sait plaire ?

Va, laissons ce projet, soyons de notre temps. Ton front brillant des roses du bel âge,

Ton doux sourire, tes talents,

Sont-ils faits pour un ermitage ? Il vaut mieux sous sa main avoir tous ses amants ;

On peut vouloir être volage ;

Cela s’est vu de temps en temps. Que devenir alors dans un autre sauvage ?...

Bertin, en étudiant, en imitant les poètes latinsqui chantèrent l’amour, se rapprocha de leur genre et gagna le surnom de Pioperce français. Dans les vers qu’il adressait à. Eucharis et à Catilie, ses réminiscences des modèles dont il avait fait choix le menaient à un pastiche presque continuel, et Tissot a pu lancer avec raison contre lui ce trait satirique : « Je n’aurais pas été étonné qu’Eucharis ou Catilie eussent dit h. leur favori : « Mon ami, nous sommes de Paris et non de Rome : faites-nous l’amour en français. » Toutefois, il éclate parfois chez lui un élan de passion sincère, un véritable cri de l’âme, surtout dans l’élégie des Voyages, dont les vers sont harmonieux, pleins et coulants : Que n’ai-je point tenté ? Dieux, qu’il est difficile D’abjurer promptement d’aussi longues amours, Tant que le même mur nous servira d’asile, Tant que le même ciel éclairera nos jours, Hélas ! je le sens bien, je l’aimerai toujours.

Si vous voulez que je l’oublie, O mes amis ! partons ; ôtez-moi de ses yeux ; Pour de lointains climats, abandonnons ces lieux ; Courons interroger les champs de l’Italie, Et lui redemander ses héros et ses dieux.

Montons au Vatican ; courons au champ de Mars, Au portique d’Auguste, à celui de Pompée. Sont-ce là les jardins où Catulle autrefois Se promenait le soir à côté d’Hypsithille ? Citoyens (s’il en est que réveille ma voix), Montrez-moi la maison d’Horace et de Virgile,

Avec quel doux saisissement. Ton livre en main, volupteux Horace, Je parcourrai ces bois et ce coteau charmant Que ta muse a décrits dans des vers pleins de grâce, De ton goût délicat éternel monument !

J’irai dans tes champs de Sabine, Sous l’abri frais de ces longs peuplierB

Qui couvrent encore la ruine De tes modesles bnins, de tes humbles celliers ;

J’irai chercher, d’un œil avide. De leurs débris sacrés un reste enseveli,

Et, dans ce désert embelli Par l’Anio grondant dans sa chute rapide,

Respirer la poussière humide

Des cascades de Tivoli.

Là, peut-être, l’étude, et l’absence et le temps

Pourront bannir de ma mémoire Un amour insensé qui ternit trop ma gloire, Et dont le vain délire abrégea mes instants.

Au-dessus de Bertin s’élève la gloire de son ami Parny, l’un des maîtres de la poésie éro-