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trois fois, s’il y en a qui s’avouent coupables, le supérieur de la communauté s’approche et fait sur leurs têtes certaines prières.

Dans le royaume de Siam, il existe une espèce de religieux mendiants appelés talapoins. Chaque jour, vers six heures du matin, ils vont demander l’aumône ; ils doivent tout recevoir sans rien dire, et même sans saluer, ce qu’ils font ponctuellement. Rentrés dans la pagode, ils vont se prosterner aux pieds du supérieur, et lui font leur confession ; la confession faite, le supérieur inflige une pénitence convenable.

Les gones, ministres de la religion des Cingalais, nation nombreuse et puissante qui habite l’Île de Ceylan, sont regardés comme les médecins des âmes.

En Perse, les ministres de la religion, appelés mages, se divisent en cinq classes : on nomme destouran-destour ceux qui entendent les confessions, décident les cas de conscience, et éclaircissent les points de la loi ; les livres des mages ordonnent de pardonner à celui qui a offensé, s’il s’humilie et confesse sa faute. Outre les neaesch, qui sont des prières humbles et soumises, et des afergans, qui sont des prières en forme de remercîments, les livres contiennent des patets, qui sont des actes de repentir des péchés que l’on a commis, et qui constituent une véritable confession générale.

C’est une maxime parmi les Indiens que celui qui confesse son péché en recevra le pardon. Ils célèbrent tous les ans une fête pendant laquelle ils vont se confesser sur le bord d’une rivière, afin que leurs péchés soient entièrement effacés. Dans le fameux sacrifice Tkiam, la femme de celui qui y préside est obligée de se confesser, de descendre dans le détail des fautes les plus humiliantes, et de déclarer jusqu’au nombre de ses péchés. Le Nittialarma, ou rituel des brahmanes, attribue la vertu d’effacer les péchés à certaines prières qui ressemblent assez aux actes de contrition des chrétiens.

La confession était également connue des anciens habitants du Japon, et voici de quelle singulière façon elle se pratiquait. Celui qui veut expier ses péchés se rend dans un désert, où il est reçu par des ermites qui l’entraînent au fond de solitudes effrayantes, lui font gravir des rochers très-ardus, et le soumettent à un régime sévère de jeûnes et de mortifications. S’il paraît trouver cette vie trop dure, on le suspend à une branche d’arbre au-dessus d’un précipice, et on l’abandonne en cet état. Celui qui a subi toutes les épreuves arrive enfin au haut d’une montagne ; là, on le met dans une balance suspendue au-dessus d’un abîme, et, à chaque nouvel aveu que fait le pénitent, la balance s’abaisse vers le gouffre. S’il a l’air de ne pas faire un aveu complet, on le précipite au fond ; mais si, au contraire, sa confession est complète, les balances se relèvent, il est réconcilié avec Dieu, il paye grassement le prêtre et va se livrer en paix au plaisir et à la bonne chère.

L’Église catholique, en mettant la confession au nombre des devoirs rigoureux qu’elle impose aux fidèles, n’a donc fait que s’approprier, en la modifiant, une institution que presque toutes les religions avaient pratiquée depuis un temps immémorial. La confession est définie par le catéchisme du concile de Trente ; une accusation que le pénitent fait de ses péchés à un prêtre qui a juridiction sur lui, pour en recevoir pénitence et absolution. On distingue plusieurs sortes de confessions. La confession est : 1° auriculaire, lorsqu’on fait l’aveu de ses fautes à l’oreille du prêtre ; 2° publique, lorsqu’on le fait devant l’assemblée des fidèles ; 3° particulière, lorsqu’on n’accuse que les péchés commis depuis une confession précédente, ordinairement depuis la dernière fois qu’on a reçu l’absolution ; 4° générale, lorsqu’on accuse les péchés qu’on a commis pendant toute sa vie.

Selon l’enseignement actuel de l’Église, le sacrement de pénitence, dont la confession est une partie constitutive, a été institué par Jésus-Christ lui-même, et, pour soutenir cette doctrine, on cite les textes que nous allons rapporter.

Dans l’Évangile selon saint Matthieu (ch. VIII, v. 18), Jésus dit à ses apôtres : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel. Tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » Dans saint Jean (ch. XX, v. 22), il dit encore : « Les péchés seront remis à ceux à qui vous les remettrez ; ils seront retenus à ceux à qui vous les retiendrez. » — « Si nous confessons nos péchés, dit saint Jean, Dieu juste et fidèle dans ses promesses nous les remettra. » Enfin saint Jacques dit, dans son Épître : « Confessez vos péchés les uns aux autres. » Tels sont les textes de l’Écriture sur lesquels on s’appuie pour soutenir que la confession est d’institution divine.

Non-seulement ces textes n’ont rien de plus convaincant que la plupart de ceux qu’invoquent les théologiens à l’appui de leurs assertions, mais les faits prouvent invinciblement qu’on ne leur donna pas d’abord le sens que leur prêta plus tard l’Église. Pendant les premiers siècles de l’Église, la confession fut purement facultative, et encore n’était-ce que la confession publique qui existait. On voyait les chrétiens les plus fervents venir s’accuser de leurs fautes au milieu de leurs frères, et cet aveu, exigé de la part des nouveaux convertis, leur semblait d’autant moins extraordinaire que semblable cérémonie existait dans la religion païenne. Quant à la confession auriculaire, il n’en était nullement question ; elle ne s’introduisit que peu à peu, et non sans avoir fait naître de nombreuses protestations. À la fin du VIe siècle, saint Goar reprochait à l’évêque de Trêves de s’être jeté à ses pieds pour lui confesser une faiblesse, au lieu de la révéler à Dieu seul. Saint Gilles remettait les péchés à ceux qui s’en repentaient, sans exiger qu’ils en fissent l’aveu ; et saint Jean Chrysostome recommandait de se confesser, non aux hommes, mais à Dieu.

L’abbé de Longuerue étant à son abbaye du Jard, ses religieux lui demandèrent un jour quel était son confesseur : « Quand vous m’aurez dit, leur répondit-il, quel était celui de saint Augustin, je vous montrerai le mien. » Nous avons, en effet, les Confessions de ce grand saint ; mais il n’y parle pas de son confesseur.

Un fait qu’on n’a pas assez remarqué, c’est que ce n’étaient pas les chrétiens qui primitivement pratiquaient la confession. C’étaient les nouveaux prosélytes qui, en sortant, de la corruption païenne pour embrasser la morale éminemment pure du christianisme, sentaient le besoin de faire un aveu public de leurs fautes ou même de leurs crimes ; cette confession (confessio, aveu) était le signe de leur rupture avec le passé. Aussi, même au IIIe siècle, une secte importante, celle des novatiens, continuait à refuser à l’Église le droit de remettre les péchés après le baptême. La confession précédait donc primitivement la réception de ce sacrement et, par conséquent, ne pouvait nullement concourir à la rémission des péchés, ou bien, si elle venait après le baptême, elle était tout simplement une pratique d’humilité et de pénitence. Il est vrai que les novatiens furent condamnés comme hérétiques ; ils étaient venus un siècle trop tard ; la doctrine ou plutôt la discipline de l’Église avait changé. Plus tard, la confession publique fut encore admise pour ceux qui, ayant apostasié, désiraient rentrer dans le christianisme, et bientôt après pour les pécheurs scandaleux. Les uns et les autres avaient renoué avec le passé ; il fallait donc une seconde rupture. Cependant la confession publique commençait à trouver un rude adversaire dans l’amour-propre ; cet aveu humiliant, cet étalage de ses misères était devenu d’autant plus pénible que le nombre des membres de la religion nouvelle s’était accru et que la confiance qui régnait entre eux lorsqu’ils n’étaient que quelques-uns s’était naturellement affaiblie. On dut alors restreindre le nombre des auditeurs, les laisser au choix du confessant, et, par une pente naturelle, on alla si bien que, au lieu de confesser ses péchés devant l’assemblée elle-même, on ne les confessa plus qu’à l’oreille du président, de l’évêque (episcopos, surveillant, président).

Ainsi se trouvaient réunis dans la même main deux droits très-distincts à leur origine : le droit de remettre les péchés, que les évêques possédaient comme successeurs des apôtres, et le droit d’entendre la confession des péchés, qui ne leur appartenait que par une tacite délégation de l’assemblée des fidèles ; comme conséquence du dernier, ils devenaient les conseillers naturels du pécheur, et lui indiquaient les pratiques de pénitence les plus propres à expier ses fautes et à l’empêcher d’y retomber. Ces trois privilèges, qui n’étaient d’abord que réunis dans la main de l’évêque, furent plus tard confondus, et constituèrent, par leur confusion, ce qu’on appelle le sacrement de la pénitence, dont l’évêque resta le dispensateur. À une époque où la société chrétienne était peu nombreuse, où elle formait une sorte de petit cénacle veillant activement sur la conduite de ses membres, comme le font encore aujourd’hui certaines sectes américaines, on comprend ces sortes de confessions, plus souvent forcées que volontaires, et qui n’embrassaient guère que les actes de la vie extérieure. De cette confession primitive à la confession auriculaire telle que l’ont décrétée les conciles de Saint-Jean-de-Latran et de Trente, et telle qu’elle est pratiquée dans l’Église depuis une dizaine de siècles, il y a un abîme. L’évêque, ne pouvant suffire à écouter la confession de tous les fidèles, délégua ce droit aux prêtres, se réservant la connaissance de quelques crimes particuliers. C’est de là qu’est venue cette théorie des cas réservés, qui est si singulière, pour ne pas dire plus. Le prêtre à le droit d’absoudre le meurtre, le viol, l’adultère, le parricide, qui sont les plus grands crimes, et il ne saurait accorder le pardon à celui qui a levé la main sur un clerc. Cette théorie a toujours été celle de l’Église, qui a de tout temps regardé les assassins, les voleurs comme moins coupables que celui qui attentait au moindre de ses droits. Cette doctrine des cas réservés eut pour effet, au moyen âge, de pousser nombre de pèlerins vers Rome, où ils allaient chercher le pardon et porter leur argent. Dans le Roman du Renard, le héros, obligé d’aller à Rome pour se faire absoudre de fautes dont son confesseur ne peut lui donner le pardon, s’écrie : « Eh ! pourquoi m’envoyer chercher si loin un pardon que le ciel peut tout aussi bien m’accorder ici ? C’est donc pour nous faire courir que le pape garde pour lui seul un pouvoir que lui seul est le maître de communiquer ? » Ces paroles du renard étaient répétées par tous ses contemporains, qui se lassaient des nombreux pèlerinages qu’on leur ordonnait chaque jour pour pénitence. Après être restée longtemps facultative, la confession auriculaire fut rendue obligatoire par une décision du fameux concile de Latran, tenu en 1215 sous le pontificat d’Innocent III. Le vingt et unième canon enjoint à « toute personne de l’un et de l’autre sexe, parvenue à l’âge de discrétion, de confesser tous ses péchés au moins une fois l’an à son propre prêtre. Que si quelqu’un, pour une juste cause, veut confesser ses péchés à un prêtre étranger, il en demandera et en obtiendra l’autorisation de son propre prêtre, parce qu’autrement cet étranger ne pourrait le lier ni le délier. » Cette décision a été reproduite par le concile de Trente, qui a fait un devoir aux curés de la lire au prône, chaque année, à l’ouverture du temps pascal. Cette obligation de se confesser à son propre prêtre, c’est-à-dire au curé de sa paroisse, avait été mise là à dessein et pour prévenir de nombreux scandales qui avaient lieu chaque jour dans l’Église. Le sacrement de pénitence était d’un bon rapport pour celui qui le conférait. Non-seulement le confesseur ordonnait des aumônes, des offrandes à l’Église, mais il dirigeait l’esprit de son pénitent, jouissait d’une grande influence sur lui, et attendait l’heure de la mort pour porter les plus grands coups, faire les demandes les plus considérables. Même de nos jours, nous gémissons souvent en voyant les déplorables effets produits par l’esprit d’intrigue du clergé. (V. le mot captation.) Ce n’est rien toutefois en comparaison de ce qui se passait autrefois. Déjà, de son temps, saint Jérôme rougissait pour l’Église de l’avidité insatiable de ses membres, et trouvait que les empereurs avaient eu raison de les empêcher de recevoir rien par testament. Qu’eût-il dit, s’il eût vu au moyen âge ces honteuses déprédations proclamées ouvertement et même passées en lois ? Non-seulement l’Église exigeait de tout mourant qu’il lui laissât une part de ses biens, sous peine de ne pas recevoir les derniers sacrements et de ne pas être enterré en terre sainte ; mais elle était allée jusqu’à déterminer la part qui lui revenait. Cette part, fixée d’abord au dixième, monta jusqu’au quart, et nos rois furent obligés de réagir par des lois contre des abus aussi scandaleux. Voilà comment, à la fin du XVIIe siècle, le tiers du territoire appartenait au clergé, et c’est ce que les écrivains ecclésiastiques appellent des dons pieux et volontaires. Les parlements réclamaient vainement contre cette avidité ; quant aux poëtes, ils se contentaient d’en rire. Une des plus jolies pièces dirigées contre cette vénalité de l’Église est un fabliau intitulé : le Testament de l’âne. Il s’agit d’un âne auquel un curé tenait beaucoup ; l’animal étant mort, son maître, qui ne voulait pas qu’il fût écorché, l’inhuma dans son cimetière. L’évêque, l’ayant appris, cita le curé à son tribunal, comptant le condamner à une bonne amende. Mais celui-ci, qui savait à qui il avait affaire, avait pris ses précautions, et, quand l’évêque lui demanda quelles bonnes raisons il apportait pour avoir ainsi profané la terre sainte, il répondit : « Écoutez-moi, sire, et si vous me jugez coupable, je me soumets à la pénitence que vous jugerez que j’ai méritée. L’âne dont on vous a parlé m’a servi vingt ans. C’était un animal excellent, bon travailleur et bon économe. Tous les ans, il mettait vingt sous de côté pour se préparer une ressource dans sa vieillesse. Enfin, à sa mort, se trouvant avoir amassé vingt livres, il en disposa par testament et vous supplie de les accepter, dans l’espérance que vos prières tireront son âme de l’enfer. — Que Dieu, répondit le prélat en prenant la bourse, pardonne au défunt tous ses péchés et lui accorde son saint paradis ! »

Le but primitif de la confession avait été d’indiquer à ceux qui s’étaient rendus coupables de quelque faute la pénitence à l’aide de laquelle ils pouvaient la racheter. C’est ainsi que, dans les premiers siècles, on était souvent banni de l’intérieur de l’église et obligé de se tenir à la porte, le corps couvert d’un cilice et des cendres sur la tête. Mais quand la première ferveur se fut dissipée, que le nombre des fidèles se fut accru considérablement, ce qui était possible pour une petite réunion ne le fut plus pour toute une ville. Le genre de pénitence ne changea pas moins que la confession elle-même. On ordonna bien encore le jeûne, la discipline, les pèlerinages, mais seulement aux fidèles de bonne volonté, aux religieux, aux simples et aux pauvres ; quant aux riches et aux puissants, comme leur ferveur n’était plus assez grande pour se soumettre à de telles expiations, l’Église, qui a su toujours se faire toute à tous, remplaça ces pénitences d’abord par des aumônes, puis par des offrandes, et enfin par des redevances fixes qui entraient, non dans la poche des pauvres ou dans le tronc des églises, mais dans le trésor du pape lui-même. La chose serait incroyable si l’on n’en avait des preuves irrécusables ; malgré le soin que la cour romaine a pris pour les dissimuler et les faire disparaître, il existe encore des exemplaires de ce curieux ouvrage, intitulé : Taxes de la chancellerie romaine, dans lequel tous les crimes possibles sont tarifés. Quand vint la Réforme, ce livre fut souvent invoqué par ceux qui accusaient la confession d’immoralité et la cour de Rome de vénalité. D’Aubigné en parle en plusieurs endroits, et le sieur Antoine du Pinet en a donné une traduction annotée, sous le titre de : Taxe des parties casuelles de la boutique du pape. Nous parlerons plus longuement, dans un article spécial, de ce curieux ouvrage.

Le quatrième concile de Latran impose au confesseur le devoir de garder un secret inviolable sur ce qui lui a été dit dans le confessionnal ; c’est ce qu’on appelle le sceau de la confession. Ce secret ne fut pas toujours bien gardé : Césarius, moine de Cîteaux, s’était confessé à son abbé d’avoir célébré les saints mystères sans être prêtre, et continua à le faire après la confession. L’abbé, sans désigner le coupable, porta l’affaire devant l’assemblée des religieux, qui décida qu’il fallait en référer au pape. C’était Innocent III. Celui-ci assembla les cardinaux, qui furent d’avis qu’on ne devait pas se servir contre le coupable des preuves que l’on n’avait que par la confession. Telle ne fut pas cependant l’opinion du pape, qui se prononça pour la violation du secret et pour la punition du moine sacrilège. Le continuateur de la Chronique de Nangis rapporte que, en l’an 1331, Robert, comte de Beaumont, produisit devant le parlement de Rouen de fausses lettres pour justifier ses prétendus droits au duché d’Arras ; qu’un jacobin, son confesseur, interrogé dans une assemblée tenue à Paris sur la valeur de ces lettres, déclara qu’il ne savait autre chose que ce qu’il avait appris par la confession et qu’il le révéla sur l’avis de Jean de la Palud, patriarche de Jérusalem, lequel invoqua la raison d’État. Les autres docteurs furent de son avis. Dans le même siècle, saint Jean Népomucène aimait mieux mourir dans les tourments que de révéler à l’empereur Wenceslas la confession de l’impératrice son épouse. Les moralistes décidèrent la question en sens divers jusqu’à ce que Clément VIII, par un bref du 20 mai 1594, déclarât qu’il n’était pas permis de faire usage, dans l’administration, de ce que l’on avait appris au confessionnal. Saint Liguori estime même que le prêtre ne doit pas éviter des embûches dont il n’a connaissance que par la confession. Mais, comme tous les autres principes, celui-ci a été violé par ceux qui avaient intérêt à le violer, et, dans tous les temps, on a vu quelques prêtres respecter aussi peu le secret de la confession que leurs vœux de chasteté, de pauvreté et d’humilité. L’Étoile raconte que le P. Cotton, voyant un jour le jeune roi Louis XIII tout pensif, lui demanda ce qu’il avait : « Je n’ai garde de vous le dire, répondit le jeune roi, car vous l’écririez tout aussitôt en Espagne, comme pour tout ce que je vous avoue. » Au siècle dernier, l’impératrice Marie-Thérèse était le seul souverain d’Europe qui soutînt les jésuites, que Clément XIV voulait abolir ; pour vaincre sa résistance, on lui mit sous les yeux la copie exacte de ses confessions, qui était chaque semaine envoyée au Gesu à Rome. Cet argument valut mieux que tous les autres, et elle ne s’opposa plus à la dissolution de l’ordre.

Nous avons vu comment le clergé a pu être conduit, par le désir d’accroître son influence et ses richesses, à étendre de plus en plus l’importance religieuse de la confession ; mais il a trouvé sous ce rapport un auxiliaire puissant dans le zèle et l’exaltation d’esprit des dévotes. La femme que les années envahissent, que le monde abandonne, à qui son miroir lui-même est odieux, parce que, comme Laïs, elle ne peut s’y voir ni telle qu’elle était jadis ni telle qu’elle est maintenant, a besoin de trouver un aliment à son activité, quelque chose qui occupe son cœur et son esprit : elle se jette dans la religion. Ce qui représente la religion, c’est le confesseur, et, quel que soit son âge, le confesseur, c’est toujours l’homme. À toutes les femmes on pourrait dire le mot de Boufflers. La marquise sa mère lui disant qu’elle désespérait de jamais arriver à aimer Dieu, celui-ci lui répondit : « Oh ! ma mère, s’il se faisait homme une seconde fois, vous en viendriez bien à bout. » La femme n’a jamais vu Dieu qu’à travers l’homme. Mais un autre motif attire encore la femme vers le confessionnal, c’est que là elle parle d’elle à quelqu’un qui s’en occupe exclusivement. « La femme, a dit un moraliste, aime tellement qu’on s’occupe d’elle, qu’elle aimera mieux avouer des fautes qu’elle n’a pas faites que de ne rien dire du tout. » Voila pourquoi elle aime son confesseur, et pourquoi cet amour devient de plus en plus intense à mesure qu’elle vieillit. Sous Louis XIV et sous Louis XV, les femmes, trouvant qu’un prêtre ne leur suffisait pas pour les diriger dans la la voie du salut, en eurent deux, le confesseur et le directeur. Au mot directeur, nous donnerons de curieux détails sur ce singulier genre de dévotion.

Quant à l’influence des confesseurs sur les jeunes femmes, sur les jeunes filles ; quant aux résultats forcés de cette intimité, qui est aussi contraire à nos mœurs ordinaires qu’aux lois générales de la bienséance, écoutons Paul-Louis Courier : on ne saurait ni plus ni mieux dire : « Quelle vie, en effet, quelle condition que celle de nos prêtres ! on leur défend l’amour et le mariage surtout, on leur livre les femmes ! Ils n’en peuvent avoir une, et vivent avec toutes familièrement ; c’est peu ; mais dans la confidence, l’intimité, le secret de leurs actions cachées, de toutes leurs pensées. L’innocente fillette, sous l’aile de sa mère, entend le prêtre d’abord, qui, bientôt l’appelant, l’entretient seule à seul ; qui, le premier avant qu’elle puisse faillir, lui nomme le péché. Instruite, il la marie ; mariée, il la confesse et