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6 ABAT ABAT ABBA ABBA


emploi continu dans les forêts du Brésil. Suivant le système employé, la consommation de dynamite est :

Pour un arbre de 0m, 10 de diamètre par le premier procédé, 100 grammes ; par le second, 100 grammes ;

Pour un arbre de 0m, 20 de diamètre par le premier procédé, 500 grammes ; par le second, 100 grammes ;

Pour un arbre de 0m,30 de diamètre par le premier procédé, 1.000 grammes ; par le second, 300 grammes ; Pour un arbre de 0m, 10 de diamètre par le premier procédé, 2.000 grammes ; par le second, 500 grammes.

— Abatage des bœufs. Les procédés d'abatage des bœufs sont au nombre de six : 1° l'égorgement ; 2° l'emploi du merlin ordinaire ; 3° l'énervation ; 4° l'emploi du merlin anglais ; 5° l'emploi du masque frontal à cheville percutante ; 6° la dynamite.

L'égorgement n'est guère usité que chez les Israélites, qui se proposent, en employant ce procédé répugnant et barbare, d'être agréables au Seigneur. Cinq sacrificateurs juifs, désignées par le grand rabbin, sont attachés à l'abattoir de La Villette, à Paris, où ils tranchent religieusement chaque matin un nombre de fanons proportionné aux besoins de la population Israélite de la capitale. Ils doivent connaître à première vue la pureté ou l'impureté des animaux et les organes que le Lévitique défend de manger. Au moment de l'immolation, l'animal, dont les pieds de derrière sont liés, est amené près d'un treuil, dont un brusque mouvement le renverse sur le flanc droit, la gorge tendue. Le sacrificateur se dirige vers la victime en prononçant ces paroles « Béni soit le Seigneur qui nous a jugés dignes de ses préceptes et nous a prescrit l'égorgement. » Ensuite, il se baisse et coupe la gorge de la bête ; il a eu soin de constater d'abord, en passant deux fois l'ongle sur le tranchant de son damas, que cet instrument n'est point ébréché car, s'il l'était, la tradition enseigne que le bœuf pourrait avoir peur et que son sang se coagulerait dans le cœur sans pouvoir en sortir ; or, l'Ecriture dit « Vous ne mangerez d'aucun sang ». En se relevant, le sacrificateur s'assure qu'il n'a pas touché avec son damas la colonne vertébrale, ce qui rendrait la viande impure puis, quand les aides ont ouvert l'animal, il regarde si les poumons, l'estomac, la vésicule du fiel et de la rate sont dans les conditions exigée par la loi religieuse ; autrement, l'animal serait déclaré impur et refusé pour la boucherie juive. Lorsqu'on emploie le merlin ordinaire, on frappe l'animal entre les cornes avec cette masse en fer, qui pèse 25 kilogr. et dont le manche est long de 0m, 90. Le bœuf, violemment étourdi, tombe aussitôt si le boucher est adroit ; mais, dans le cas contraire, il faut s'y reprendre à plusieurs reprises, et l'agonie est longue, horrible à voir, surtout lorsque le bœuf s'équasille. En Angleterre, on se sert d'un merlin spécial terminé par un emporte-pièce. Si le garçon boucher s'y prend bien, l'animal peut être tué du coup ; quand il est novice dans son métier et que le coup est mal donné, l'emporte-pièce reste dans la tête, et il faut le retirer pour recommencer, ce qui augmente et prolonge les souffrances de l'animal. — Le procédé de l’énervation, qui consiste à sectionner la moelle épinière â l'aide d'un stylet qu'on enfonce entre l'occipital et la première vertèbre cervicale, abat l'animal instantanément ; mais la mort ne se produit, en général, qu'un quart d'heure après. — M. Bruneau, président de la commission des abattoirs de LaVillette, a imaginé un procédé plus rationnel que les précédents (v. abattoirs, au tome XVI du Grand Dictionnaire) ; il consiste à emprisonner la tête de l'animal dans un masque, au milieu duquel, à hauteur convenable, est encastrée dans le cuir une plaque de fer adhérente au front et percée d’un trou en son milieu par ce trou, on enfonce un boulon en pointe ou à emporte-pièce d'un coup de maillet, le boulon pénètre de 0m,05 à 0m, 06 dans le cervelet du bœuf, dont la mort est instantanée. — En 1878, on a fait, à l'abattoir central de Birmingham, une série d'expériences pour s'assurer exactement du moyen le plus rapide d'abattre les animaux de boucherie. « La Commission d'examen, dit M. Henri de Parville, a donné la préférence à l'abatage par la dynamite. Une faible dose de dynamite est posée sur le front de l'animal. La substance explosive est reliée par un ftl à une batterie électrique. On appuie sur une touche, et le bœuf tombe foudroyé. On a pu, avec la même batterie, abattre à la fois plusieurs bœufs. La mort a lieu instantanément. C'est la torpille appliquée à l'abatage des animaux, comme elle avait déjà été appliquée à l'abatage des arbres et des roches. »

D'autre part, la municipalité de Saint-Etienne ayant voulu prescrire l'emploi exclusif de l'appareil de M. Bruneau pour l'abatage des grands animaux de boucherie, son arrêté fut déféré au ministre de l'intérieur, qui invita le préfet de la Loire à en prononcer l'annulation pour excès de pouvoir. Un des considérants de l'arrêté en question semble établir qu'en 1881 l'appareil Bruneau ne s'était pas vulgarisé. Il porte, en effet, qu'à Paris, Lyon et dans les autres grandes villes de France, la plus entière liberté est laissée aux boucheries en ce qui


concerne le mode d'abatage, et qu'à Paris, notamment, le procédé Bruneau n'est employé que par son auteur et par un très petit nombre de bouchers.

— Abatage des veaux et des moutons. Pour abattre les veaux, on les couche de flanc sur une table et on leur fait au cou une large entaille. Quant aux moutons, ils sont couchés sur une table, le ventre en l'air et la tête pendante puis, le garçon boucher les égorge, sans se laisser émouvoir par leurs bêlements.

ABATANT s. m. — Techn. Organe du métier à bas qui abaisse les platines.

ABATIA s. f. (a-ba-ti-a du gr. abatos, inaccessible). Bot. Genre de plantes tropicales de la famille des Samydées. Les abatias sont des arbustes ou des arbres à feuilles opposées ou verticillées, dont la fleur hermaphrodite est dépourvue de corolle et possède un calice pétaloïde. Le fruit est une capsule loculicide. On en connalt huit espèces habitant l'Amérique.

* * ABATTOIR s. m. — Encycl. Les abattoirs publics, rangés, par ordonnance du 15 avril 1838, dans la première classe des établissements dangereux, insalubres ou incommodes, ont été maintenus dans cette classe par le décret du 31 décembre 1866. Un décret du 1er août 1864 a, par son article 1er, remis aux préfets le soin de statuer sur les propositions tendant à établir des abattoirs et décidé que les taxes d'abatage seraient calculées de façon à ne pas dépasser les sommes nécessaires pour couvrir les frais annuels d'entretien et de gestion, et pour assurer le payement de l'intérêt et l'amortissement du capital engagé dans l'opération. L'article 6 de ce décret porte que, si des circonstances exceptionnelles nécessitaient des taxes supérieures à celle de 0 fr. 02 par kilogramme de viande de toute espèce, l'imposition de ces taxes ne pourrait être autorisée que par décret rendu en Conseil d'Etat. Une ordonnance, qui peut être considérée comme type, et qui au reste a guidé les municipalités de province dans la réglementation des abattoirs, a été prise, le 20 août 1879, par le préfet de police.

Cette ordonnance interdit tout abatage des animaux de boucherie ou de charcuterie en dehors des abattoirs spécialement créés et autorisés à cet effet. Elle impose aux conducteurs de bestiaux l'obligation d'être munis d'une médaille, qui doit être portée d'une façon apparente et fixe le nombre d'animaux que chacun d'eux peut conduire. Elle règle les conditions dans lesquelles les animaux morts en route seront abattus ; elle décide que les inspecteurs de la boucherie devront être présents à l'abatage et à la préparation de ces animaux, qui ne pourront être livrés à la consommation que sur permis spécial délivré à cet effet. Les mêmes précautions sont prises en ce qui concerne les animaux déclarés suspects de maladie par l'inspection ad hoc. L'abatage des veaux de moins de six semaines est formellement interdit. Toutes les viandes provenant des animaux abattus seront visitées par les inspecteurs de boucherie. Toutes celles qui seront reconnues insalubres ou impropres à la consommation seront saisies. Au cas où leur propriétaire protesterait contre la saisie effectuée sur l'ordre de l'inspecteur, un expert sera chargé de statuer. Toute viande saisie ou consignée par les inspecteurs de la boucherie restera à leur disposition et ne pourra être enlevée ou détruite que par leur ordre. Le soufflage des viandes et toute autre manœuvre ayant pour but de donner à la viande une apparence de nature à tromper l'acheteur seront passibles des peines portées par la loi du 27 mars 1851. Les chapitres IV et V de l'ordonnance dont nous donnons ici un court résumé, sont relatifs aux fondoirs et aux ateliers de triperie. Le chapitre VI est relatif aux mesures concernant la sécurité des abattoirs et porte notamment interdiction de fumer dans les bouveries, bergeries, écuries et greniers. Le chapitre VIII interdit l'entrée des abattoirs aux marchands, musiciens, chanteurs ambulants, saltimbanques, crieurs et distributeurs d'imprimés, ainsi qu'à tous individus qui exercent ordinairement sur la voie publique. Le préfet de police se réserve d'accorder, par permission spéciale, l'entrée des abattoirs aux industriels qui s'occupent de l'entretien ou de la réparation des outils employés par les ouvriers d'abattoirs. Tout individu en état d'ivresse sera immédiatement exclu, sans préjudice des poursuites qui pourront être exercées contre lui. L'article 55 porte que tous mauvais traitements envers les animaux seront punis conformément à la loi du 2 juillet 1850. Enfin, et c'est par ce point que nous terminerons ce résumé, il est interdit d'employer dans les abattoirs des garçons ou fllles âges de moins de seize ans, sous les peines prévues par la loi du 19 mai 1874.

Le nombre des abattoirs s'est singulièrement accru en France depuis une dizaine d'années ; toutes les villes de quelque importance se sont décidées à créer ces sortes d'établissements, qui seuls peuvent permettre une surveillance sérieuse des viandes livrées à la consommation.

Dans le rapport qu'il adressait au ministre de l'agriculture et du commerce en 1880, le comité consultatif d'hygiène publique de France appelait tout particulièrement l'attention du ministre sur les conditions défec-


tueuses des tueries particulières, établies même dans des villes d'une certaine importance, et demandait le remplacement de ces tueries par des abattoirs publics. Le 22 mars 1881, le ministre de l'agriculture adressait aux préfets une circulaire dans laquelle il rappelait que la santé publique est particulièrement intéressée à ce que l'état de choses signalé par le comité consultatif, prit fin ; il disait : « La création d'abattoirs publics, dans lesquels s'exerce une surveillance intelligente et active, est le meilleur moyen à employer pour sauvegarder la santé publique et la seule garantie utile qu'on puisse donner à la consommation. » La circulaire ministérielle invitait en conséquence les préfets à intervenir activement auprès des communes pour les décider a étudier la question «  On pourra, ajoutait le ministre, objecter le défaut de ressources nécessaires mais l'expérience a démontré qu'une ville est loin de compromettre ses finances en créant ces sortes d’établissements. Elle ne tarde pas, au contraire, à trouver dans leur fonctionnement une source de revenus qui lui permet de pourvoir à d'autres besoins. »

Enfin la circulaire se terminait par une invitation aux préfets d'avoir à dresser par arrondissement la liste des tueries particulières existant dans leur département. Les propriétaires de tueries non autorisées étaient mis en demeure de réclamer cette autorisation, et partant, de se soumettre aux règlements qui régissent la matière.

Plusieurs communes se rendirent à l'invitation de l'administration préfectorale. Il faut regretter, néanmoins, encore aujourd'hui, que bien des villes de plus de trois mille habitants se soient abstenues, et qu'on ne puisse espérer qu'elles prennent bientôt les seules mesures propres à conserver en bon état les viandes destinées à la consommation, à moins qu'elles n'y soient contraintes par une loi.

Si les communes françaises se sont montrées en assez grand nombre peu disposées à créer des abattoirs publics, il nous sera permis de constater ici que la question est encore bien moins avancée sur un grande nombre de points en Europe. C'est ainsi qu'à Berlin, en 1876, il n'existait encore que trois abattoirs, tandis qu'on y comptait neuf cents tueries particulières. Une loi du 18 mars 1868 avait bien décidé que, dans les communes pourvues d'un abattoir public, la municipalité pourrait exiger la fermeture des tueries particulières, mais il faut croire que ces municipalités ne se pressèrent pas de se conformer au désir du législateur, car en 1879, à la suite d'une épizootie grave, de nombreuses pétitions vinrent solliciter du chancelier de l'empire la modification de la loi de 1868. Au mois de janvier 1880, un projet de loi fut déposé à la Chambre des députés de Prusse, projet de loi qui imposait aux bouchers l'abatage dans les abattoirs publics et créait un sérieux service d'inspection.

ABATZKAÏA, ville de la partie occidentale de Sibérie, gouvernement de Tobolsk, sur la rive d'Ichïm affluent de gauche de l'Irtych, à environ 200 kilom. S.-E. de Tobolsk, par 56° de lat. N. et 67° 20' de long. E. 1.669 hab.

ABBADIA (Luigia), cantatrice italienne, née à Gênes en 1821. Son père, maître de chapelle, s'attacha à cultiver de bonne heure ses grandes dispositions pour la musique. A quinze ans, Luigia Abbadia débuta avec un plein succès sur le théâtre de Sassari (Sardaigne). Elle parut successivement ensuite sur les principaux théâtres de l'Italie et, partout, elle excita l'enthousiasme par sa belle voix de mezzo-soprano, par son jeu dramatique, par ses qualités de chanteuse et de tragédienne. On cite, parmi les opéras qui lui valurent ses plus beaux triomphes la Saffo de Pacini, la Vestale de Mercadante, Maria Padilla de Donizetti et Ernani de Verdi, où elle se montrait d'une puissance incomparable. Vers 1859, elle quitta l'Italie pour se rendre en Allemagne. Elle se fit entendre à Hambourg et à Berlin, où elle obtint un succès éclatant. Peu après, elle renonça au théâtre et, depuis, elle a vécu dans la retraite.

ABBAS Ier, dit le Grand, schah de Perse (1585-1628), est le cinquième souverain de la dynastie des Sophis, fondée par le schah Ismaêl, et le fils du schah Méhemmed-Konda- Bendèh.-Du vivant même de son père, les nobles du Khorassan l'avaient proclamé schah de Perse (1582), et Méhemmed avait inutilement essayé de rétablir son autorité dans cette province. En 1585, accompagné d'un puissant chef de tribus, il marcha sur Kazbin. Il y fit reconnaître son autorité, pendant que Méhemmed était abandonné par ses troupes. Devenu ainsi le maître véritable du royaume, il s'occupa immédiatement de le pacifier. Il vainquit lui-même les Uzbeks qui, depuis des années, dévastaient le Khorassan, en même temps que ses généraux réduisaient les îles du golfe Persique et la province de Lar ; puis, il songea à faire une guerre implacable aux Turcs, dont les invasions en Perse avaient presque toujours été suivies de succès et qui détenaient une partie considérable de ses propres Etats. On sait que, dès 1592, la guerre s'était rallumée entre l'Autriche et la Turquie les hostilités se poursuivaient encore dans la région hongroise, lorsque parut, en 1600, à la cour impériale de Rodolphe II, sir Anthony Shirley, envoyé par Schah-Abbas Ier, et porteur


d'une lettre de créance pour le monarque européen. Cet Anthony Shirley avait précédemment reçu du comte d'Essex la mission de se rendre en Perse, à l'effet de demander au schah son adhésion à une ligue des princes chrétiens contre la Porte et l'établissement de relations commerciales et diplomatiques entre la cour d'Angleterre et la cour persane ; il était parti pour l'Orient en 1598, avec son frère Robert Shirley et vingt-cinq compagnons ; il avait vu le schah à Kazbin, lorsque celui-ci revenait victorieux du Khorassan, et il s'était d'abord présenté au monarque comme un officier de fortune venant offrir ses services et ceux des gentilshommes d'outre-Manche qui l'avaient suivi. Secondé par Aly-Verdy, commandant en chef de l'armée persane, il s'adonna d'abord tout entier à l'instruction d'un corps d'infanterie ; il introduisit la discipline dans les troupes d'Abbas ; il apprit aux soldats l'emploi de l'artillerie, et l’armée persane se trouva bientôt en mesure de tenir tête aux janissaires. C'est alors que Shirley avait proposé au schah une alliance défensive et offensive avec les princes européens contre l'empire ottoman. Abbas vit du premier coup quel parti avantageux il pouvait tirer de l'occasion qui se présentait ; il accepta l'offre de l'Anglais et désigna pour l'accompagner dans ses pérégrinations en Europe Husseïn-Al y-Bey. Shirley vint donc en Moscovie, où il vit le grand-duc à Moscou. Il passa ensuite à Prague, où la cour impériale s'était fixée, et fit si bien que Rodolphe II résolut d'aecréditer un envoyé auprès de la personne du schah il désigna pour remplir cette mission un conseiller provincial en Transylvanie, nommé Etienne Kaknsch de Zalonkemeny, dont M. Ch. Schefer a traduit, annoté et publié la relation de voyage. A la même époque, le grand-duc de Moscovie, à l'instigation de l'empereur, détermina Abbas Ier à prendre les armes contre les Turcs, ses mortels ennemis. Le schah se prépara à cette expédition par la prise de Nehavend, dont il fit raser les fortifications (1602) ; après quoi, il réunit toutes ses forces sous prétexte d'une expédition dans le Farsistan, mais en réalité pour entrer en campagne. Il marcha sur l'Azerbaïdjan, vainquit et fit prisonnier Aly-Pacha, qui commandait l'armée turque dans cette province. Après s'être emparé de Tauris, où il laissa une forte garnison, il s'avança à la conquête des autres localités occupées par la Porte, emmenant avec lui 120.000 hommes et toutes ses femmes, au nombre de 500. Les villes et les villages qu'il rencontra sur sa route, tels que Mervend, Nakhtchivan, Djulfa, se soumirent sans résistance ; partout le menu peuple venait au devant de lui, chantant et dansant au son du tambourin pour fêter son arrivée. A Djulfa, ville forte uniquement habitée par des Arméniens, il reçut un accueil particuliérement enthousiaste les habitants se soulevèrent à son approche, chassèrent les fonctionnaires turcs et vinrent lui offrir le trésor public. Des illuminations terminèrent la fête, et un témoin oculaire raconte avec admiration que plus de 50.000 lampions brûlèrent pendant toute la nuit. De Djulfa, il marcha contre Erivan, qu'il assiégea : les Turcs, enfermés au nombre de 40.000 dans la forteresse, résistèrent un mois environ, mais furent forcés de capituler parce qu'ils manquaient de vivres et de munitions. Abbas, averti de l'arrivée du roi de Géorgie, qui venait le renforcer, rappela Aly-Verdy, alors occupé devant Bagdad, et se disposa à livrer à ses adversaires une bataille définitive. Grâce à sa bonne organisation, à sa nouvelle tactique, à sa discipline, l'armée persane triompha sans peine de troupes plus nombreuses (1603). Si l'on en croit Antoine de Gouvea, pendant qu'Abbas s'enivrait avec ses officiers sur le champ de bataille pour célébrer la victoire, on lui présenta 20.545 têtes, et cette lugubre exhibition dura jusqu'au milieu de la nuit. Enhardi par le succès, il chassa les Ottomans des bords de la mer Caspienne, de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie, du Kurdistan, de Bagdad, de Mossoul, de Diarbekir. La bataille de Shibleh (entre Sultaniéh et Tauris), gagnée par le général Karachêb-Khan sur les Turcs unis aux Tartares Kaptchaks, consacra, pour ainsi dire, la ruine de la domination ottomane en Perse. Et comme les Uzbeks avaient cessé leurs incursions depuis leur défaite, la royaume put enfin jouir d'une tranquillité inconnue depuis bien longtemps.

C'est sous le règne de Schah-Abbas Ier que la puissance des Portugais en Orient reçut un coup mortel par la perte d'Ormuz. Abbas voyait d'un œil d'envie la prospérité de cette île stérile, mais avantageusement située au point de vue commercial, et qui, en effet, était devenue, depuis qu'Albuquerque l'avait conquise, l'entrepôt de tout le trafic du golfe Persique. Il se faisait une fausse idée de la source de cette prospérité, et il se figura que la conquête d'Ormuz augmenterait sa gloire et sa richesse. Il fit part de ses desseins au gouverneur du Farsistan. En même temps, il offrit à la Compagnie anglaise des Indes un traité qui l'exempterait de payer les droits de douane sur les marchandises importées par elle à Gomroun (plus tard Bender-Abassi) et lui garantirait même une part dans les taxes qu'acquitteraient les autres nations. A ce prix, les Anglais consentirent à prêter