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Ancienne résidence des seigneurs de Kniphausen.

VAREI.A (Hector-F.), homme d’État et joiu un ! sle américain, né à Buenos-Ayres en 1831. Son père, Florencio Varela, auteur d’un ouvrage intitulé Affaires de Buenos-Ayres, traduit en français par le capitaine Sergent {1841, in-8<>). joua un rôle considérable dans* la république Argentine, se battit pour la liberté et l’ut assassiné par les sicaires du tyran Rusas. Hector, 1 aîné de ses fils, dut quitter Buenos-Ayres, où les biens paternels avaient été confisqués, et se rendit avec sa mère et.ses frères à Rio-Janeiro, où il apprit le commerce. Le jeune homme, grâce a ses rares aptitudes, parvint à subvenir à l’existence de sa famille et employa ses loisirs à apprendre le français, l’allemand, l’anglais et l’italien, qu’il parle avec une égale facilité. Lorsque, en janvier 1852, le général Urquiza appela le pays aux armes pour secouer le joug de Rosas, Hector Varela accourut dans la république Argentine et contribua à la chute du dictateur. Peu après, il fonda la Tribuna, le plus grand et le plus populaire des journaux de l’Amérique du Sud, se signala par un talent plein d’éclat, par un autour ardent pour la liberté, combattit sans relâche la dictature militaire, devenue la plaie de son pays, et prit part au mouvement qui força le général Urquiza à quitter Buenos-Ayres (1853). Lors d’un p’remier voyage qu’il fit en Europe, il visita l’Espagne, où il se lia avec Cusiel-ir.-le Portugal, l’Angleterre et l’Italie. Nommé consul général de Buenos-Ayres à Paris, il repartit pour l’Europe ; mais la juste indignation avec laquelle il avait stigmatisé dans son journal l’odieux coup d’État du 2 décembre 1851 lui fit-refuser i’exequnlur par le gouvernement de Napoléon 111, Pendant un troisième voyage en Europe, il assista, eu septembre 1866, au congrès de Genève, où se trouvait le vieil ami de son père, Garibaldi, qui la présenta aux sommités de la démocratie européenne. Dans une séance, un habitant de Neuebâtel ayant attaqué la démocratie améiicaine, Varela protesta. Pou.-sé en quelque sorte de force à. la tribune par Jules Bovier et quelques démocrates, il y prononça un discours admirable qui lui valut une enthousiaste ovation et qui, reproduit dans les journaux, répandit son nom en Europe. De retour dans sa patrie, il fut nommé député à Montevideo et appelé à faire partie du ministère. Quelque temps après la mort de flores, il donna sa démission et* revint il Buenos-Ayres. Lors de l’épidémie cholérique qui sévit eu 1867 dans* cette ville avec une violence inouïe, il devint président du comité de salubrité et ht preuve d’un courage et d’un dévouement qui lui acquirent une grande popularité. Pendant un voyage qu’il lit peu après dans les provinces Argentines, Hector Varela y fut l’objet des manifestations populaires les plus chaleureuses. Lors de la guerre désastreuse que la Fiance soutintoontre la Prusse, le brillant journaliste se fit le chaleureux défenseur de notre paya, organisa un meeting monstre qui manifesta ses sympathies pour ia France : organisa, en outre, des représentations théâtrales au bénéfice de la souscription française et rendit de tels services à nos nationaux habitant La Plata, que ceux-ci, au nombre de 30, 000, adressèrent en 1871 à l’Assemblée nationale de Versailles une pétition demandant pour M. Varela le titre de citoyen fiançais. Eu 1872, M. Varela se rendit en France pour y fonder un grand journal, Et Americtmo, dont le numéro spécimen parut le 7 mars. Dans ce journal, contenant une partie écrite en français et l’autre en espagnol, avec un grand luxe typographique et des il-lustrations, M. Varela s’est proposé ■ de mettre la pupulation hispano-américaine au courant de ce qui se passe eu Europe, de l’intéresser et de l’instruire et en même temps de révéler au vieux monde une civilisation, des niûiurs et une littérature qu’il ne connaît que très-imparfaitement. • Al. Varela, aide par des souscriptions officielles et privées venant de plusieurs Etals de l’Amérique du Sud, commença à Paris, en août 1872, la publication de ce grand journal. Eu 1873, il fut nommé ministre de la république de Guatemala à Paris et fut appelé, en février 1874, à remplir les mêmes fonction » à Paris. Journaliste au style brillant, orateur plein d’éloquence et de l’eu, républicain convaincu, défenseur constant de la démocratie et de la libene, M. Hector Varela est un des hommes les plus emiueius de l’Amérique du Sud. Il a publie eu 1874 quelques écrits iu-8 » : À Alvarez Catdeion, Emile Castelar, la République de Venezuela et son président lilanco, le Pérou devant les pays d’Europe, etc. — Un de ses frères, Muriano Vakkla, diplomate distingué, a été ministre des ati’aiies étrangères de la republique Argentine ; un second, Juan-Crnz Vakkla, est poète et antiquaire ; un troisième, Kufiuu Vakela, est un savant économiste ; enfin un de ses parents, Pedro Varela, a été à deux reprises président de la république de l’Uruguay. V. Uruguaï.

VAHELA Y ULLOA (José), marin espagnol, né diuis la Galice en 17-18, mort eu 1794. Il entra au service en 1759, eu qualité de gardemarine, et s’adonna surtuui a l’étude des sciences mathématiques. En 1776, de concert avec Borda, il mesura géométriquement le pic de Ténérifïe, leva le plan des lies du Cap VARE

Vert et de la côte d’Afriquje, depuis le cap Spartel jusqu’au cap Vert, yfet, entre autres missions importantes, reçut |jlus tard celle de fixer les limites des possessions espagnoles et portugaises dans l’Aménayue méridionale ; ce travail lui valut, en 1791,’le grade de chef d’escadre. Il était, en outrera cette époque professeur de mathématiques k l’Académie des gardes-marine du département de Cadix et membre correspondant dej l’Académie des sciences de Paris. — Un de-^es parents, Pedro Varela y Ulloa, mort en 1797, fut successivement grand bailli de l’ordre de Malte, ministre de la marine (1795), puis ministre des finances (1797).,’

VARÉLIAUD (Antoine), chirurgien français, né à Uzerche (Corrèze) en 1776, mort à Paris en 1840. Élevé du célèbre docteur Boyer, il donna une excellente thèse intitulée : Des monographies médicales, et fut, en l’an XIII, nommé chirurgien de Napoléon par quartier. Il suivit les armées françaises dans les grandes guerres du commencement de ce siècle. Enrichi par une dotation, attaché à la personne de Marie-Louise, c’était un des plus fervents adeptes du régime impérial, dont la chute le fit retomber dans l’obscurité. Il consacra désormais ses loisirs à écrire dans les journaux de médecine du temps. Il avait entrepris un grand ouvrage, qu’il n’acheva point, sur les affections mentales. Un de ses articles médicaux déplut k Scribe, qui essaya de le ridiculiser dans le Nouveau Pourceaugnac.

VARELLA s. m. (va-rèl-la). Nom que l’on donne aux temples dans le Pégu.

VAREN (Bernhard), en latin Yarenlus, géographe hollandais, né k Amsterdam vers 1610, mort vers 1680. Il pratiqua la médecine et cultiva par goût les sciences mathématiques, particulièrement la géographie scientifique. Outre une Descriptio reyui Japonimel Siam… (1673), on a de lui un excellent traité sur la matière, Géographia généralis (16S4), où il traite toutes les questions de physique, d’astronomie et touche même à la géologie, qui alors n’était pas fondée ot dont le nom ne figurait pas sur le catalogue des sciences. Cet ouvrage, qui fit une véritable révolution, jouissait d’une telle estime que Newton s’en lit l’éditeur et le commentateur (Cambridge, 1691).

VARENGEVILLE, bourg, et commune de France (Seine-Inférieure), canton d’Offranville, arrond. et à 8 kilom. O. de Dieppe ; 1, 050 hab. Commerce de bestiaux et de chevaux. On y voit l’ancien manoir d’Ango, armateur anobli par François Ier, qui séjourna dans ce manoir. Dans une galerie du rez-dechaussée, on a découvert une belle fresque datée de 1544 et représentant Moïse élevant le serpent d’airain.


VARENIUS (Auguste), théologien allemand, « né en 1620, mort en 1684. Il avait une con » naissance approfondie de l’hébreu, qu’il parlait aussi bien que l’allemand, et, après les Buxtorf, c’est de tous les théologiens allemands celui qui a poussé le plus loin la science des accents hébraïques. Il savait par cœur tout le texte hébreu de la Bible. II a laissé, entre amres ouvrages, un Commentaire sur Isuïe qui a été réimprimé en 1708 k Kostock et à Leipzig.


VARENNE s. f. (va-rè-ne). Forme ancienne du mot GARENNE.

— Agric. Plaine sablonneuse et inculte, où l’on ne trouve qu’un peu d’herbe pour les bestiaux, et que fréquente le gibier.

— Hist. Varenne du Louvre, Étendue de pays dans lequel le droit de chasse était réservé au roi. || Juridiction qui connaissait des délits commis dans la même étendue.


VARENNE (Jacques), seigneur DE Brost, avocat français, né k Dijon vers 1710, mort à lJaris vers 1780. Avocat au parlement de sa ville natale, puis secrétaire en chef des états de Bourgogne, il engagea contre le parlement de Dijon, au sujet des élus des états généraux de Bourgogne, une lutte qui faillit lui devenir fatale. Un Mémoire qu’il publia (furis, 175S, in-8o), et dans lequel il soutenait l’administration contre les prétentions de la magistrature, fut, en vertu d’une décision de ia cour des aides de Paris, brûlé par la main du bourreau. Le parlement de Dijon renchérit sur cette condamnation et fit publier une défense • d’entretenir, sous les, peines les plus sévères, aucune liaison avec un de ceux qui portaient son nom. > Le ministre, qui connaissait la sympathie occulte du roi pour Varenne, lui délivra, pour ïe soustraire à une condamnation contradictoire, des lettres d’abolition dont il dut entendre la communication à genoux. En 1766, Varenne fut nommé receveur général des finances des états de Bretagne. Un lui doit : Itegistre du parlement de Dijon de tout ce qui s’est passé pendant la Ligue (in-12) ; Monument curieux et intéressant pour L’histoire de Bourgogne sous Henri I V (Paris, 1772) ; Considérations sur t’inaliéuabilUé du domaine de la couronne (1775, in-8û).


VARENNE DE FENILLE (Philibert-Charles-Marie), agronome français, fils du précédent, lie à Dijon vers le milieu du xviii «  siècle, exécuté à Lyon en 1794. Il était receveur des impositions de la Bresse et du pays de Doinbes, quand son père fut persécute, et, enveloppé dons la même proscription, il se fixa

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en Bresse dans une terre de sa famille. Il se livrait avec ardeur aux études agricoles, lorsque la Révolution vint le surprendre nu milieu de ses travaux. Arrêté^coinme fédéraliste, il fut conduit k Lyon, condamné et exécuté. On a de lui, entre autres écrits : Observations, expériences et mémoires sur l’agriculture (Lyon, 1789, in-8°) ; Observations sur les étangs (Bourg, 1791, in : 8°) ; Mémoire sur Varnénagement desforêts nationales (Bourg, 1792, 2 vol. in-8°). Ses œuvres ont été réunies en 1807 sous le titre général à’Œuvres d’agriculture (3 vol. in-S°).


VARENNE DE FENILLE (Jean-Charles-Bénigne), agronome, fils du précédent, né à Paris en 1780, mort aux environs de Bourg en 1848. À la mort de son père, il fut recueilli pat-un professeur de mathématiques de Bourg, qui le mit en état d’entrer à l’École polytechnique. En 1811, il fut nommé sous-préfet de Lyon et donna sa démission en 1815. Député à la Chambre introuvuble (1815), il devint en 1816 secrétaire général de la préfecture de l’Aisne, fonctions qu’il résigna en 1830 pour rentrer dans la vie privée et s’adonner, comme l’avait fait son père, à l’agriculture. On a de lui : Essai sur les produits de l’incinération des végétaux et particulièrement sur la potasse (Bourg, 1812, in-12) ; Mémoire sur tes forêts de pins (1812, in-12).


VARENNE (Jacques-Édouard, baron Burignot de), diplomate français, né k Chalonsur-Saône en 1795, mort en 1873. Il entra dans la diplomatie sous la Restauration, remplit divers postes secondaires et fut nommé, sous Louis-Philippe, ministre plénipotentiaire en Portugal. Elu député de Chalon-sur-Saône en 1842, il siégea à la Chambre jusqu’en 1846 et y appuya la politique de M. Guizot. Non réélu en 1846, il dut, en outre, quitter la diplomatie après la révolution du £4 février 1848. En 1852, 1e gouvernement du coup d’Etat du 2 décembre le nomma ambassadeur à Berlin. Rappelé k Paris l’année suivante, M. de Varenne reçut un siège au Sénat (1853), où il siégea obscurément jusqu’à la fin de l’Empire. La révolution du 4 septembre 1870 le rendit de nouveau k la vie privée. Retiré dans son château de Crémelon, il s’y suicida au mois de septembre 1873, eu se tirant deux coups de pistolet dans la poitrine.


VARENNE (Charles, comte DE LA), publiciste français. V. La Varenne.


VARENNÉE s. m. (va-rè-né — de Varenne, agron. fr,). Bot. Genre d’arbres, de la famille des légumineuses, dont l’espèce type prolt au Mexique.


VARENNES, village et comm. de France (Somme), cant. d’Acheux, urrond. et à 21 kilom. S.-E. de Doullens ; 610 hab. On y voit les ruines de l’abbaye de Clair-Fay, fondée . au xno siècle et ruinée par les Espagnols en 1637.


VARENNES-SUR-ALLIER, bourg de France (Allier), ch.-l. de cant., arrond. et à 30 kilom. N.-O. de La Palisse, près du confluent de l’Allier et du Valençon ; pop. aggl., 1, 182 hab. — pop. tot., 2, 505 hab. Commerce de vins et de froment. Ancien château de Gayette, transformé en hôpital.


VARENNES-SUR-AMANCE, bourg de France (Haute-Marne), ch.-l. de cant., arrond. et à 30 kilom. E. de Langres, sur une colline près de l’Amance ; pop. aggl., 1, 226 hab. — pop. tot., 1, 307 hab.


VARENNES-EN ARGONNE, bourg de France (Meuse), ch.-l. de cant., arrond. et à 29 kilom. N.-O. de Verdun, sur l’Aire et près de la forêt de l’Argonne ; pop ; aggl., 1, 407 hab. — pop. tot., 1, 453 hab. Papeterie, huilerie, fours à chaux, tuilerie ; fabrication de biscuits et macarons. C’est là que Louis XVI et sa famille fuyant à l’étranger furent arrêtés le 22 juin 1791 (v. ci-après). À l’entrée du bourg, on voit une porte remarquable par son ancienneté et son architecture.


Varennes (fuite de). On sait fort exactement-aujourd’hui, et par les correspondances authentiques de Marie-Antoinette, et par d’autres documents certains, que le projet de fuite de la famille royale était ancien déjà et concerté avec les puissances étrangères. Constamment démenti, et de la manière la plus solennelle, il n’en était pas moins la base de tous les plans de contre-révolution. Plus le moment approchait, et plus le roi, la reine et leurs partisans redoublaient de dissimulation, de protestations de fidélité au pacte constitutionnel ; ces basses comédies coûtaient peu d’ailleurs à ces personnages, qui s’étaient fait une habitude du mensonge.

Le 22 mai 1791, la reine avait écrit à son frère Léopold, en lui rendant compte des projets arrêtés : « … Nous devons aller à Montmédy. M. de Bouillé s’est chargé des munitions et des troupes à faire arriver en ce lieu ; mais il désire vivement que vous ordonniez un corps de troupes de 8,000 à 10,000 hommes à Luxembourg, disponible à notre réclamation (bien entendu, que ce ne sera que quand nous serons en sûreté) pour entrer ici, tant pour servir d’exemple à nos troupes que pour les contenir… »

Et le 1er juin : « Nous vous réitérons, mon cher frère, la demande de 8,000 ou 10,000 hommes disponibles à notre demande pour le premier moment. C’est quand le roi sera en lieu de sûreté et libre qu’il verra avec reconnaissance et grande joie toutes les puissances se réunir à sa réclamation pour soutenir la justice de sa cause. »

Le plan, concerté avec M. de Mercy-Argenteau, ambassadeur d’Autriche et le Mentor de la reine, était donc de mettre d’abord la famille royale en sûreté dans une place frontière, et d’agir ensuite contre la France avec l’appui des troupes étrangères et la diversion d’une insurrection royaliste à l’intérieur.

Les souverains, d’ailleurs, et Mercy ne l’avait pas laissé ignorer à la reine, n’entendaient pas prêter leur appui gratuitement ; avant de porter secours à leur bon frère le roi de France, ils se préoccupaient du profit qu’ils en comptaient tirer, et déjà leurs émissaires étudiaient nos frontières de l’Est et du Nord, non-seulement dans un but stratégique, mais dans des vues de démembrement.

Les négociations se poursuivaient activement. Une conférence avait eu lieu à Mantoue, à laquelle avait assisté le comte de Durfort, envoyé de Louis XVI. L’empereur d’Autriche promettait 35,000 hommes, ajoutant que les autres puissances fourniraient aussi leur contingent. Le 12 juin, il écrivait à sa sœur, Marie-Antoinette : « … Puisse votre projet s’accomplir heureusement. Le comte de Mercy a l’ordre, la chose réussissant et sur votre demande, de vous aider et de vous fournir tout ce qu’il peut ; argent, troupes, tout sera à vos ordres. On peut compter sur le roi de Sardaigne, les Suisses et les troupes de tous les princes de l’Europe, même celles du roi de Prusse, qui sont à Wesel, et par conséquent fort à portée. »

Nous ne voudrions pas fatiguer le lecteur de citations, d’autant plus que la réalité des manœuvres criminelles du roi et de la reine ne peut plus être contestée. Ils ont ameuté le monde entier contre nous, ouvert la France à l’étranger, qui depuis n’a plus oublié le chemin de nos foyers. La juste punition qu’ils ont subie n’a malheureusement pas racheté tout le mal qu’ils nous ont fait et les torrents de sang qu’ils ont fait couler dans des guerres sans fin. Dans son égoïsme monstrueux, la vieille monarchie n’a pas voulu s’éteindre sans laisser cette blessure au cœur de la patrie.

Le roi eût pu s’échapper plus facilement seul ; mais la reine s’attachait à lui, pour sa propre sûreté d’abord, puis pour ne pas l’abandonner à l’influence des princes, de Calonne et des émigrés, qui ne demandaient qu’à l’éliminer elle-même de leurs combinaisons.

Les préparatifs se poursuivaient avec la maladresse la plus imprudente. Longtemps à l’avance, la reine faisait enlever son chiffre de son argenterie, emballait ses diamants et objets précieux, commandait des monceaux d’habillements, une berline immense propre à faire événement partout, une myriade d’objets comme pour un voyage autour du monde, n’oubliait rien enfin de ce qui pouvait éveiller l’attention. Le roi, de son côté, avait donné l’ordre à de Moustier, Malden et Valory, trois de ses anciens gardes du corps, de se munir de vestes de courrier, de couleur jaune, de préparer des relais, etc. Ces courriers improvisés non-seulement ne connaissaient pas les routes, mais pas même Paris !

Un des principaux agents de cette affaire était un étranger (naturellement !), le comte de Fersen, ancien colonel du régiment de Royal-Suédois et l’amant actuel de la reine, on peut l’affirmer sans témérité. Dans la combinaison, il était cocher ; Marie-Antoinette était gouvernante sous le nom de Mme Rochet ; le roi, travesti, grimé, était le valet de chambre Durand ; Mme de Tourzel, gouvernante des enfants de France, devait jouer le rôle d’une dame russe, la baronne de Korff. Tout se réalisa ainsi. Ce complot, combiné d’une manière enfantine, réussit de point en point, ce qui montre bien que la prétendue captivité de Louis XVI n’était pas fort étroite, quoique la garde des Tuileries fût confiée à la garde nationale et à La Fayette. Bouillé, qui commandait à Metz, avait reçu l’ordre d’échelonner des détachements sur la route jusqu’à Châlons.

Dans la nuit du 20 au 21 juin 1791, la famille royale s’échappa du château, gagna la Villette, où l’attendait la fameuse berline, et fila rapidement sur Bondy, puis vers Châlons, vers Montmédy, vers l’étranger. La monarchie émigrait à son tour.

Le lendemain matin, Paris se réveilla sans roi. La Fayette, qui avait joué le rôle d’un niais de comédie, se défendit comme il put. Le canon d’alarme du pont Neuf tonna, annonçant aux citoyens que c’était l’heure des suprêmes périls et que la monarchie parjure et fugitive allait déchirer la patrie par la guerre étrangère et la guerre civile.

Sous le coup de cette éventualité terrible, Paris ne faiblit point. La vaillante cité fut tout entière debout, s’arma, commença l’apprentissage de la république et se serra autour de l’Assemblée nationale, en répétant naïvement : « Notre roi est là ! »

L’Assemblée montra de la vigueur et de la décision, se saisit des pouvoirs et ne contribua pas peu par son attitude à maintenir l’esprit public à une grande hauteur.

En partant, Louis XVI avait laissé une protestation pleine de récriminations fausses ou ridicules, et que l’intendant de la liste ci-