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MOET

naissant plusieurs langues anciennes et modernes, il consacra ses loisirs à publier des ouvrages d’un style ferme et concis, et qui abondent en observations profondes et sages. Aussi lui a-t-on donné le surnom de Franklin allemand. Nous citerons de lui ; Essai de quelques tableaux de mœurs de noire temps (Hanove, 1747, in-8°) ; Àrminius, tragédie (1749) ; De veterum Germanorum et Gallorum theologia mystica et populari (1749, in-4<>) ; /Histoire d’Osnabrùc/e (1768-1774, 3 vol. in-8°) ; Idées patriotiques (Berlin, 1775-1788, 4 vol. in-8°), recueil d’articles remplis d’idées neuves et spirituelles ; Mélanges (1707-1798, 2 vol. in-s°). Ses Œuvres complètes ont été publiées à Berlin (1842-1843, 10 vol. in-so).

MŒSER (Charles-Frédéric), violoniste allemand, né à Berlin en 1774, mort dans la même ville en 1851. I ! se distingua, dès l’âge de quatorze ans, par un talent précoce sur le violon, qui lui valut la haute protection du roi de Prusse Frédéric-Guillaume II. Grâce à la munificence royale, Mœser se mit sous la direction du professeur Hauke, puis, quand le maître eut donné toute sa science, 1 élève travailla sous sa propre inspiration. À la suite d’une intrigue amoureuse, Mœser se vit exiler de Berlin et se rendit à Hambourg, où il eut le bonheur de rencontrer Rode et "Viotti, qui l’initièrent aux perfections de leur pure et élégante école. L’excursion qu’il fit à Londres lui fut excessivement fructueuse. Toutefois, après la mort du roi de Prusse, il revint à Berlin et rompit résolument avec les étourderies et les idées romanesques qui jusqu’à ce moment avaient troublé la régularité de son existence. En 1804, cet artiste se rendit à Vienne, et sa perfection dans le quatuor lui mérita les chaleureux éloges d’Haydn et de Beethoven, qui virent, pour la première fois, se réaliser l’idéalité de leurs compositions en ce genre. L’invasion française de 1806 fit supprimer la chapelle du roi de Prusse, et Mœser, congédié avec ses collègues, se vit contraint d aller chercher aide et emploi en Russie. De retour à Berlin en 1811, il fut nommé premier violon de la nouvelle chapelle royale, puis il reçut, en 1825, le titre de maître de concerts et, enfin, en 1841, celui de maître de chapelle honoraire, titre qu’il conserva jusqu’à sa mort.

MOESIE, nom d’une province de l’empire romain. V. Mésie.

MOESK1BCH, village du grand-duché de Bade, dans le cercle du Lac, à 39 kilom. N. de Constance : l, GO0 hab. Victoire de Moreau sur les Autrichiens le 5 mai 1800.

MŒSOGOTHIQUE ndj. (mé-zo-go-ti-kede Mœsie et de gothique). Hist. Qui appartient aux Goths établis dans la Mœsie.

— L’mguist. Langue mœsogothique, Langue germanique parlée par les Goths de la Mœsie : ï/lphitas, évêque des Goths en Mœsie, avait fait, en langue mœsogothique, une traduction de la Bible dont on possède des fragments, il Alphabet mœsogothique, Alphabet d’où est dérivé l’alphabet allemand et dont on attribue l’invention à Ulphilas.

MOËSSARD (Simon-Pierre), acteur français, né en 1781, mort à Paris en 1851. Après avoir joué en province, il fut engagé au théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris (1816), remplit d’abord l’emploi de comique, puis fut chargé des rôles de financiers, de pères nobles ou, comme on dit familièrement, de vieillards bénisseurs. Acteur plein de bonhomie et de rondeur, Moëssard était en même temps un excellent homme, qui remporta’un prix Montyon. Devenu vieux, il cessa de jouer pour devenir régisseur du théâtre de la Porte-Saint-Martin, auquel il était resté constamment attaché depuis 1816. Le père Molissard, comme on l’appelait le plus souvent, ressemblait singulièrement àLouis XVI, Ses principales créations sont : M. de Germany, dans Trente ans ou la Vie d’un joueur ; Caleb, dans la Fiancée de Lammermoor ; Thomas, dans 'Incendiaire ; Richard, dans la Tour de Neste, etc.

MŒSSCHEN s. m. (mè-schain). Métrol. Mesure de capacité pour les matières sèches,

employée à Manheim, et valant — de mal 144

ter pour l’orge et l’avoine, — pour le blé. 128

MCESS1NGEN, bourg du Wurtemberg, cercle de la forêt Noire, bailliage et à 12 kilom. N.-E. de Rottenburg ; 3,000 hab. Sources sulfureuses et établissements de bains fréquentés.

MŒSSLI s. roi (mè-sli). Métrol. Mesure de capacité pour les matières sèches, usitée en

Suisse, et valant — de malter de Zurich.

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MOET (Jean-Pierre), écrivain, né à Paris en 172], mort à Versailles en 1806. Possesseur d’une belle fortune, il employa ses loisirs à acquérir des connaissances très-variées et apprit plusieurs langues anciennes et modernes. C était un épicurien aux goûts bizarres, épris des singularités. Il se jeta dans l’étude des sciences occultes et devint un chaleureux partisan de Svedenborg et de l’illuminisme. Outre des dissertations et des articles publiés dans le Journal étranger, on lui doit un certain nombre d’ouvrages originaux et de traductions. Nous citerons de Moîit : lu

MCEUR

Félicité mise à la portée de tous les hommes (Paris, 1742, in-12), ouvrage bizarre et assez mal écrit ; VAnihropophile ou le Secret et les mystères de l’ordre de la Félicité dévoilés pour le bonheur de tout l’univers (Paris, 1746, in-12) ; Corde de Cythère ou Lit de justice et d’amour (1746, in-12) ; Lucina sine concubitu ou Lxicine affranchie des lois du concours, trad. de John Hill (Londres, 1750, in-so), satire contre la théorie de Bufibn sur la génération et contre la Société royale de Londres ; Conversation de la marquise D"* avec sa nièce nouvellement arrivée de province (1753, in-8°), roman peu intéressant ; Traité de la culture des renoncules, des œillets, des auricules, des tulipes et des jacinthes (Paris, 1754, 2 vol. in-12) ; Spectateur ou Socrate moderne, trad. d’Addison, Steele, etc. (1755) ; Œuvres de Svedenborg, traduites par un ami de la vérité (Paris, 1819-1824, 12 vol. in-8») et d’une grande fidélité. Enfin, Moet a édité quelques ouvrages : Histoire d’Ema, parBtissy (1757) ; Faramond, roman abrégé de La Calprenède (1753) ; VAloysia, de Chorier (1757), édition rare et recherchée des bibliophiles.

MOËT (Jean-Remi), industriel français, né à. Epernay en 1758, mort en 1S41. Après avoir voyagé pendant quelque temps à 1 étranger, il se fixa dans sa ville natale, où il se maria richement et ne s’occupa plus, à partir de ce moment, que de perfectionner la fabrication des vins de Champagne. La supériorité de ses produits lui fit remporter un grand nombre de médailles d’honneur à diverses expositions industrielles et étendit sa renommée dans le monde civilisé. MoSt consacra une partie de ses énormes bénéfices à faire construire à Epernay un établissement aux proportions colossales qui reçut les visites do plusieurs souverains. Devenu maire de sa ville natale sous l’Empire, il la dota d’établissements d’utilité publique et rentra dans la vie privée en 1815.

MOETTE s. f, (moi-te). Agric. Sorte de tenaille en bois servant à arracher les chardons.

M(ÊUF s. m. (meuff— du lat. modus, mode. Le changement du d et du t en /’est extrêmement rare ; mais on en a un autre exemple dans soif, venu de sitis). Ane. gramm. Mode : Les mœufs et les temps.

— Mus. anc. Division de la maxime et de la longue : Le mœuf maxime doit toujours prévaloir dans la musique large et notamment dans la musique religieuse. (St-Étienne.)

MŒURS s. f. pi. (meur, ou meurss suivant d’autres — du lat. mos, moris, mores, habitude, mœurs, proprement règle, manière, du même radical que modus, savoir la racine sanscrite tnadh, mesurer. Il est possible aussi que mos se rattache directement à la grande racine ma, mesurer, faire. Delâtre remarquo que mos est une forme ombrienne ; selon lui, la forme latine serait mods, modis). Habitudes naturelles ou acquises, relatives à la pratique do bien et du mal, au point de vue de la conscience et de la loi naturelle : Bonnes mœurs. Mauvaises mœurs. Mœurs pures. Réformer les mœurs. Corrompre les mœurs. Des méchantes mœurs sont nées les bonnes lois. (Amyot.) Les bonnes mœurs produisent la santé. (Fén.) La satire doit tomber directement sur les mœurs et ne frapper les personnes que par réflexion. (Mol.) Les grands devraient régler les mœurs publiques ; ils les corrompent. (Mass. ) Il y a une pureté de mœurs plus estimable que la pureté de sang. (Fléch.) Redressez les opinions des hommes, et leurs mœurs s’épureront d’elles-mêmes. (J.-J. Rouss.) Les mœurs sévères conservent les affections sensibles. (M™o de Staël.) Faites que vos éludes coulent dans vos mœurs, et que tout le profit de vos lectures se tourne en vertus. (Miuo de Lambert.) Les mœurs naissent de l éducation. (Royer-Collard.) Les mœurs d’un peuple sont le principe actif de sa conduite ; les lois n’en sont que le frein. (Duclos.) Les hommes font les lois, mais les femmes font les mœurs. (Da Sègur). Il ne faut pas que l’État se charge de réformer tes mœurs : c’est aux mœurs de se corriger. (Rigault.) L’honnêteté des manières, sans l’honnêteté des mœurs, n’est qu’une honnête, mais perfide hypocrisie. (Mme de Puizieux.) La régularité des mœurs fait toute la dignité des femmes. (Mme de Rémusat.) La fortune ne change pas les mœurs ; elle les démasque. (M11" de Pomery.) Diderot appelait les beaux-arts le vernis des bonnes mœurs. (J. Janin.)

Trop do talent, trop de succès flatteurs, Causent souvent la ruine des mœurs.

Ghesset.

Il Habitude du bien : Un homme gui a des mœurs. Une femme sans mœurs. Il y a de mauvais exemples qui sont pires que les crimes, et plus d’États ont péri parce qu’on a violé les mœurs que parce qu’on a violé les lois. (Montesq.) Les mœurs sont le frein te plus puissant pour les hommes, et presque le seul pour les rois. (Turgot.) Les mœurs ne s’apprennent pas, c’est la famille qui les inspire. (Ducis.) Les mœurs sont l’ouvrage des lois, et le bonheur public l’ouvrage des mœurs. (Malesherbes.) Sans les mœurs, presque toutes les lois sont paralysées. (Dupin.) Une femme gui parle de sa vertu médit de ses mœurs. (M’n« C. Bachi.)

On voit renaître encor l’hydre des sots rimeurs, Et la chute des arts suit la perte des maurs.

GlLBEfil.

MŒUÎt

Le- sage est citoyen.* il respecte ft la fois Et le trésor des moeurs, et le dépôt des lois.

Chahfort.

— Par ext. Coutumes, usages particuliers à un pays ou à une classe d’hommes : Les mœurs anglaises. Cela n’est pas dans nos mœurs." Les mœurs des gens de la campagne contrastent avec les nôtres. Il ne faut point faite par les lois ce qu’on peut faite par les mœurs. (Montesq.) Chez toutes les nations du monde, la langue suit toutes les vicissitudes des mœurs, et se conserve ou s’altère avec elles. (J.-J. Rouss.) Trop d’ignorance donne aux hommes des mœurs barbares ; le trop d’expérience leur en donne d’habilement scélérates. (Mariv.) L’arbitraire, sous toutes les formes, a toujours été dans les habitudes, les mœurs et tes lois de la France. (M"" de Staël.) Le plaisir est une chose d’opinion, qui varie selon tes temps, les mœurs et les peuples. tChateaub.) Les mœurs poétiques conviennent à l’individu isolé, les mœurs patriarcales à la famille, les mœurs graves d l’homme public, et les mceprs saintes au prêtre, au vieillard, au malade et au chrétien. Les mœurs poétiques sont celtes de l’âge d’or, les mœurs patriarcales celles de la Bible, les mœurs graves ou austères celles de l’histoire, les mœurs saintes ou religieuses celles des légendes, (Joubert.) Si les institutions font les destinées des peuples, ce sont les mœurs qui font les institutions nationales. (Guizot.) La liberté serait ■un mot, si l’on gardait des mœurs d’esclaves. (Micbelet.)

Des siècles, des pays étudiez les mœurs.

BOILEAU.

Vingt têtes, vingt avis ; nouvel an, nouveau goût. Autre ville, autres mœurs.

RUU11ÊR.E.

Il Habitudes personnelles : Les traits découvrent la compiexion et les mœurs ; la mine désigne les biens de la fortune. (La Bruy.) Les terroristes de 1793 étaient d’une bénignité de mœurs extraordinaire. (Chateaub.)*^ est des mésalliances d’esprit, aussi bien que des mésalliances de mœurs et de rang. (Balz.) La société des femmes polit nos mœurs ; mats elle amollit notre caractère. (Latena.) Chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs.

Boileau.

L’habit change les mœurs, ainsi que la figure.

Voltaire.

Moi, je hais le fard dans les mœurs, Encor plus que sur le visage.

M»’ Desiioulières.

— Par anaî. Habitudes particulières aux animaux de chaque espèce : Les mœurs du loup, du renard. Les mœurs des abeilles, de la fourmi, des insectes.

Le serpent a ses mœurs, ses combats, ses amours.

Dei.ille.

— Prov. Les mœurs sont un collier de perles, Une seule faute peut faire tomber dans tous les vices, comme.une perle dépassée occasionne la perte de toutes les autres, il Les mauvaises compagnies corrompent les bonnes mœurs, On se pervertit en fréquentant des compagnons pervers. Il Autres temps, autres mœurs, Les usages changent avec le temps.

tl Les honneurs corrompent ou changent les mœurs, Une p^fsonne subitement élevée au-dessus de son état perd sa simplicité, sa bonté et ses autres vertus :

Tienne qui voudra pour sentence Que les honneurs chanflent les mœurs ; Je crois plutôt que les honneurs Mettent les mœurs en évidence.

Pons de Verdun.

— Rhét. Partie delà rhétorique qui a pour but de recommander aux auditeurs le caractère de l’orateur, afin de lui gagner leur confiance ; Mœurs oratoires.

— Littér. Habitudes qui conviennent aux personnages que l’on met en scène, au point de vue de son temps et de son pays : Observer les mœurs. Etudier les mœurs. Au théâtre, l’observation des mœurs est plus nécessaire que dans tçule autre œuvre littéraire. Il Roman de mœurs, Roman dans lequel on s’attache particulièrement à développer des passions et à raconter leurs effets.

B.-arts. Usages, costumes, extérieur

propres au héros que l’on peint, au temps de l’action que l’on représente, aux objets que l’on met sous les yeux des spectateurs : Quand le peintre est un grand génie, l’observation des mœurs devient un détail gui ne préoccupe personne. Mus. anc. Convenance de la musique

avec le lieu, le temps, les personnes, l’action théâtrale et les autres circonstances. Il Convenance, rapports mutuels des diverses parties de la musique, mode, temps, rhythrae, mélodie, modulations, dans un même morceau.

— Hist. Tombeau des bonnes mœurs, Nom donné par quelques historiens au règne de Charles VI.

Praliq. Vie et mœurs, Bonne conduite :

Les maires délivrent des certificats de vie et mœurs.

— Encycl. Comme les habitudes peuvent être louables ou répréheusibles, les mœurs peuvent être bonnes ou mauvaises. Qui dit mœurs sans y ajouter d’épitbète entend donc également les bonnes et les mauvaises. L homme, sujet des mœurs, peut être consi MŒUft

déré comme ayant des relations, d’abori avec son créateur, si l’on admet lacréation ; ensuite avec le groupe qui l’entoure de près, comme sa femme et ses enfants ; avec les autres hommes, en tant que membre d’un même corps, comme coreligionnaire, comme concitoyen. Il en a encore avec le pouvoir politique qui le gouverne, lui et ses concitoyens ; enfin avec les choses dont il peut user bien ou mal. Ces divers ordres de relations ont donné lieu de distinguer diverses catégories de mœurs répondant aux divers ordres de relations dont je viens de parler. Ainsi, on dit tes mœurs religieuses, les mœurs domestiques ou sociales, les mœurs politiques ou publiques, les mœurs économiques, etc. Mœurs, en matière de littérature, a un sens assez particulier : on appelle de ce nom le caractère convenu des personnages d’un drame, d’un roman, d’une fable, etc. Il faut que toutes les actions d’un personnage soient conformes à ses mœurs, c’est-à-dire au caractère que l’auteur a une fois donné à ce personnage. C’est en ce sens qu’Aristote l’entend quand il exige d’un auteur que les mœurs de ses héros soient bien marquées et établies sans ambiguïté. Boileau a dit :

Des siècles, des pays étudiez les mœurs ;

Les climats font souvent les diverses humeurs.

Gardez donc de donner, ainsi que dans CeVi’e,

L’air ni l’esprit français a l’antique Italie ;

Et, sous des mœurs romaines faisant notre portrait.

Peindre Caton galant et Brutus dameret.

Boileau a raison ; l’auteur doit respecter les mœurs connues de la nation, les mœurs de l’âge, de la condition même, auxquels le personnage appartient.

Dans le même ordre d’idées, mœurs affecte une signification plus particulière encore quand on l’applique à l’art oratoire, quand on parle, par exemple, des mœurs de l’orateur ou des mœurs oratoires ; on entend alors le caractère que l’orateur doit avoir ou qu’il doit au moins simuler aux yeux de ses auditeurs qUand il ne l’a pas, sous peine d’ôter d’avance tout crédita ce qu’il va dire, car l’homme, en général, se rend moins à la force des paroles en elles-mêmes qu’à la bonne opinion qu’il a de l’orateur. Les traits principaux de ce caractère nécessaire sont la gravité, la réflexion, l’impartialité.

On oppose souvent les mœurs aux manières et aux lois. Les manières sont les habitudes extérieures, parfois conformes aux habitudes intérieures, aux mœurs ; parfois contraires, lorsqu’on ne veut que simuler les bonnes mœurs qu’on n’a plus. Ainsi, par exemple, la bienveillance fait partie des mœurs ; la politesse, parmi les manières, répond à la bienveillance ; c’en est le signe extérieur ; mais derrière ce signe, trop souvent, il n’y a rien. Les lois n’ont pas besoin d’être définies. On les cite fréquemment à propos des mœurs, parce que les mœurs et les lois influent à chaque instant les unes sur les autres. Les lois corrigent les mœurs quelquefois, mais glus souvent les mœurs corrigent les lois et même les abrogent tacitement. Les lois suppléent les mœurs, qui les suppléent elles - mêmes beaucoup plus fréquemment. L’influence des unes sur les autres, considérée en général ou dans des cas particuliers, a donné lieu à une multitude d’ouvrages et à des discussions qui ne sont pas près de finir, car ces phénomènes sont très-déliés. Ce qui paraît sûr, c’est que les lois sont dans un rapport d’infériorité, de dépendance avec les mœurs ; elles n’ont, en eli’et, d’autre raison d’exister que l’insuffisance des mœurs. Elles commandent ce que les mœurs devraient persuader. Il est dans la tendan6e des choses, les politiques et les législateurs aujourd’hui s’accordent à le reconnaître, que les lois cèdent chaque jour du terrain aux mœurs, jusqu’au terme idéal où les mœurs seraient tout et où il n’y aurait plus de lois, parce qu’elles seraient inutiles.

Habitudes et usages sont les termes les plus voisins de mœurs ; mais il y a dans celuioi une considération implicite qui manque aux autres. Les mœurs sont les usages, les habitudes, envisagés dans leur rapport avec le bien et le mal. Les usages, les habitudes qui sont indifférents en soi, sans rapport saisissable avec la morale, restent par conséquent en dehors des mœurs.

Ce ne sont pas les lois seules qui influent sur les mœurs d’un être, peuple ou individu. La nature qui circonvient cet être, laquelle agit surtout par le sol et par le climat, la religion, le gouvernement sous lequel il vit, déterminent des inclinations plus ouinoins prononcées dans la direction que l’être suit en vertu de son caractère natif. Les mœurs sont à chaque moment la résultante du caractère naturel et des circonstances extérieures.

Il est acquis aujourd’hui que le climat, toutpuissant sur les mœurs des peuplades primitives, des sauvages, perd son influence à mesure que les hommes deviennent industrieux, prévoyants, qu’ils amassent des provisions et inventent des arts. Cela est fort compréhensible ; il faut que l’homme vive d’abord ; quand sa subsistance dépend absolument de la nature, qui la lui oifre au moment et dans les conditions qu’il lui plaît à elle, il faut bien que l’homme, sous peine de mourir de faim, règle ses habitudes, ses mœurs sur les indications de cette souveraine impérieuse. Plus tard, c’est lui qui la force de fournir la subsistance nécessaire au temps et au lieu qui lui plaisent. Ce qui est acquis encore, c’est