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ment cette immortelle campagne. Bonaparte, avec les débris de la garnison de Gênes, allait se trouver à la tête de cinquante et quelques mille hommes, forces à peu près égales à celles des Autrichiens. Il conserva deux jours sa position de Montebello ; puis, étonné de l’immobilité de l’ennemi, et sachant que Mêlas avait rallié depuis quelques jours plusieurs de ses divisions, il pensa que celui-ci préparait les moyens de sortir de l’affreuse situation où il se trouvait placé. Pour cela, trois partis devaient s’offrir à l’esprit du général autrichien : l° franchir le Pô, puis le Tésin, traverser la Lombardie et opérer sa jonction sur l’Adda avec le général Wnkassowich ; 2° se porter sur Gênes, se réunir avec le corps de la Toscane et une division de 12,000 Anglais, regagner ensuite Mantoue, en faisant transporter son artillerie par mer ; 3° enfin, marcher à la rencontre du général Masséna, qui devait êtro arrivé à Acqui, envelopper les 10,000 ou 12,000 combattants

?u’on lui supposait encore, et, après sa déaite,

attendre les nouvelles chances favorables que les éventualités de la guerre pouvaient faire surgir. Malheureusement pour Mêlas, Bonaparte avait clairement entrevu ces trois issues et avait pris savamment toutes ses mesures po.ur les (ermer à l’ennemi. Le H juin, un des meilleurs généraux de cette époque, Desaix, arriva au quartier général. Le premier consul lui confia aussitôt le commandement des divisions Monnier et Boudet

réunies. Le 13 au matin, il franchit la Scrivia et déboucha dans 1 immsnse plaine qui s’étend entre la Scrivia et la Bormida, laquelle no s’appelle plus aujourd’hui que la plaine de Marengo. « C’est la même dans laquelle, plusieurs mois auparavant, sa prévoyante imagination lui représentait une grande bataille avec M. de Mêlas. Eu cet endroit, le Pô s’est éloigné- de l’Apennin et a laissé de vastes espaces, à travers lesquels la Bormida et le Tanaro roulent leurs euux devenues moins rapides, les confondent près dAlexandrie et vont les jeter ensuite dans le lit du Pô. La route, longeant le pied de l’Apennin jusqu’àTortone, s’en sépare à la hauteur de cette place, se détourne à droite, passe la Scrivia et débouche dans une vaste plaine. Elle la traverse à un premier village, appelé San-Giuliano, passe à un second, uppelé Marengo, enfin elle franchit la Bormida et aboutit à la célèbre forteresse d’Alexandrie. ■ (Thiers.) Bonaparte, étonné de ne pas rencontrer l’ennemi sur la grande route de Plaisance à Mantoue, où sa nombreuse artiltillerieet sa belle cavalerie lui assuraient de

frands avantages, rit battre la campagne par es détachements de cavalerie légère, qui n’aperçurent nulle part les Autrichiens. Craignant que Mêlas ne se fût échappé, il laissa le général Victor avec ses deux divisions à Marengo ; point le plus important à occuper, puisqu’il fermait la plaine, établit dans celle-ci Lannes en échelon avec la division Watrin, et courut à son quartier général do Voghera pour avoir des nouvelles du général Moncey établi sur le Tésin, et du général Duchesne qui occupait le Fô inférieur, et pour savoir ainsi ce qu’était devenuMélas. Heureusement la Scrivia débordée l’empêcha d’aller plus loin ; il fut forcé de s’arrêter à Torre-di-Garofalo. C’est là qu’il s’endormit le 13 au soir, attendant les nouvelles du lendemain.

Cependant la consternation régnait dans Alexandrieau sein de l’année autrichienne, la confusion dans l’esprit de ses chefs. Ils n’arrêtèrent aucune des résolutions pour la retraite, prévues par Bonaparte, et se déterminèrent à livrer bataille, à s’ouvrir un chemin les armes à la main ou à tomber glorieusement. Le M juin, ils franchirent les deux ponts de la Bormida. Mêlas porta le gros de sa cavalerie, sous les ordres du général Elsnitz, sur sa gauche. Son infanterie était composée de deux lignes commandées par les généraux Haddick et Kaim, et d’un corps de grenadiers ayant pour commandant le général Ott. L’armée française s’étendait en échelons, par division, la gauche en avant ; la division Gardanne, formant l’échelon de gauche, à la cassine Pedrabona ; la division Chambarlhac, le second échelon, à Marengo ; la division du général Lannes, formant le troisième, tenait la droite de la ligne. En arrière de la droite de la division Chambarlhac, se trouvaient les divisions Carra-Saint-Oyr et Desaix, en réserve ; la dernière en marche et venant de Rivalta, d’où Bonaparte l’avait rappelée précipitamment dès qu’il avait vu se dessiner les projets de l’ennemi. Murât, commandant de la cavalerie, avait établi la brigade Kellennann sur la gauche, celle de Champeaux sur la droite, ainsi que le 12<* de hussards à Salle, sous les ordres du général de brigade Rivaud, pour surveiller les mouvements de l’ennemi sur le flanc droit et devenir au besoin le pivot de la ligne.

Les Autrichiens, après quelques escarmouches d’avant-postes, attaquèrent résolument la division Gardanne et la forcèrent à se replier sur le village de Marengo. Le corps de Kaim, continuant son mouvement, franchit le Fontanone, ruisseau profond et fangeux qui coulait entre Marengo et la Bormida, et s étendit sur la gauche. En même temps, le général Haddick, protégé par 25 pièces d’artillerie qui foudroyaient les Français, se jetait hardiment dans le lit du ruisseau et le passait à son tour à la tête de la division Bellegarde. Le village de Marengo devint alors

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le centre de l’attaque. Le général Victor reçut l’ordre de le défendre Te plus longtemps possible, mais sans chercher à reprendre la position qu’avait occupée la division Gardanne, qui s’établit sur la droite du village, s’appuyant au ruisseau et à des terrains marécageux. En ce moment, la droite du général Haddick s’étendait pour déborder notre gauche, et la division du général Kaim cherchait à se déployer sur la gauche de Marengo pour dépasser notre droite. Bientôt le corps du général O’Reilly, de la division Haddick, aborde la division Chambarlhac ; la 24« demibrigade légère et la 96° de ligne soutiennent le choc. Les 2e et 20e régiments de cavalerie légère et le 6« de dragons s’avancent et exécutent des charges brillantes contre la première ligne ennemie ; aussitôt la seconde prend part à l’action. Alors Marengo est attaqué avec une nouvelle fureur et défendu avec la même intrépidité ; la gauche seule du généra ! Chambarlhac, sur laquelle arrive le gros du corps d’O’Reilly, paraît ébranlée. Cependant Lannes s’était mis en ligne à la hauteur des premiers échelons, formant la droite avec la division Watrin et, la brigade Mainony. Il attaque un corps de la division Kaim, qui se trouvait devant.lui, marchant sur le bourg de Castel-Ceriolo ; mais bientôt, débordé par cette division entièrement déployée, il se trouve dans la situation la plus critique ; les charges de l’infanterie et de la cavalerie ennemie se multiplient contre lui. Le général Champeaux, en chargeant à la tête de sa brigade de cavalerie, reçoit une blessure mortelle. Notre année, débordée sur ses deux ailes et repoussée de Marengo, n’avait plus de point d’appui pour la soutenir. Elle se voyait menacée d’être jetée dans la plaine en arrière, où rien ne pouvait la protéger contre 200 bouches à feu et une immense cavalerie.

11 n’était que dix heures du matin, et déjà le carnage avait été horrible ; les blessés encombraient la route, entre Marengo et San-Giuliano, et les troupes du général Victor, accablées par le nombre, se retiraient en désordre, criant que tout était perdu. En ce moment, Bonaparte, accourant de Torre-di-Garofalo, arrivait sur le champ de bataille, amenant avec lui la garde consulaire, troupe peu nombreuse, mais d’une valeur incomparable, qui devint plus tard l’immortelle garde impériale, et la division Monnier, composée de 3 demi-brigades excellentes ; en outre, il était suivi à peu de distance par Une réserve de 2 régiments de cavalerie. Avec la merveilleuse rapidité de son coup d’œil, le premier consul jugea immédiatement le parti qu’il avait à prendre pour rétablir les affaires. Il porte en avant dans la plaine, à la droite de Lannes, les 800 grenadiers de la garde consulaire, qui se forment en carré et reçoivent avec un imperturbable sang-froid les charges des dragons de Lobkowitz ; on dirait une redoute de granit au milieu d’une plaine immense. Plusieurs escadrons autrichiens sont rompus, et le temps que le reste de cette cavalerie perd dans de faux mouvements donne au général Carra-Saint-Cyr celui de se porter à la hauteur des grenadiers ; bientôt il les dépasse et s’avance sur Castel-Ceriolo, où il parvient à s’établir après en avoir délogé les troupes qui l’occupaient. Bonaparte juge cependant qu’une plus longue résistance est impossible ; ses soldats, exténués, sont foudroyés de toutes parts par la formidable artillerie des Autrichiens, mais grâce au point d’appui de Castel-Ceriolo il va pouvoir exécuter hardiment sa retraite en lace d’un ennemi vainqueur. Il ordonne à sa première ligne de se replier par échelons, la gauche en avant. Les échelons de gauche de la ligne exécutent ce mouvement au pas ordina’ire, tandis que les échelons du centre le font au très-petit pas, et seulement après que les premiers ont pris leur distance. Au milieu du plus profond silence, nos échelons faisaient leur retraite en échiquier, par bataillon, impassibles sous les effroyables décharges de 80 bouches à feu, serrant les rangs à mesure que leurs compagnons tombaient, se conduisant enfin avec le sang-froid qu’ils auraient apporté sur un champ de manœuvre, et excitant l’admiration des, Autrichiens eux-mêmes. ■

Mêlas, croyant enfin avoir fixé la victoire, rentre dans Alexandrie, laissant le commandement à son chef d’état-major, de Zach ; puis il expédie dans toute l’Europe des courriers annonçant la défaite du général Bonaparte à Marengo. Une douloureuse déception l’attendait. Nous avons dit que le général Desaix avait été rappelé de Rivalta ; en homme de guerre supérieur, qui sait juger la situation, il n’avait pas attendu cet ordre ; au premier coup de canon tiré dans la plaine de Marengo, il s’était arrêté, jugeant d’instinct que l’ennemi qu’on l’avait envoyé chercher sur la route de Gênes était à Marengo même, et il avait fait aussitôt volte-face pour se porter sur ce dernier point. À trois heures, ses têtes de colonnes commencèrent à se montrer à l’entrée de la plaine, aux environs de San-Giuliano, et lui-même, les devançant au galop, accourait auprès du premier consul. Les généraux l’entourent et forment cercle autour de lui et de Bonaparte. La plupart sont d’avis qu’on opère définitivement la retraite ; le général en chef presse vivement Desaix de donner son opinion. Promenant alors ses regards sur ce champ de bataille

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dévasté et jugeant rapidement la situation, Desaix tire ensuite sa montre et répond a Bonaparte ces simples et nobles paroles : « Oui, la bataille est perdue ; mais il n’est que trois heures, il reste encore le temps d’en gagner une. » Bonaparte, charmé, prend aussitôt de nouvelles dispositions : tandis que Desaix, avec les 6,000 hommes de troupes fraîches qu’il amène, attaquera les Autrichiens de front, le gros de 1 armée ralliée se jettera dans leur flanc. Puis Bonaparte parcourt à cheval les rangs de ses soldats. ■ Mes amis, leur dit-il, c’est assez reculer ; le moment est venu de faire un pas décisif en avant. Souvenez-vous que mon habitude est de coucher sur le champ de bataille. » Ensuite il donne le signal et la charge est battue sur toute la ligne. Tout à coup le général Marinont démasque 12 pièces de canon qui vomissent des Ilots de mitraille sur les Autrichiens, qui s’arrêtent tout déconcertés -, croyant les Français en pleine retraite. En même temps, Desaix, à cheval, s’élance à la tète de la 90 légère, franchit un pii de terrain couvert de vignes qui le dérobait à la ligne ennemie, et se révèle brusquement aux Autrichiens par une décharge de mousqueterie à bout portant. Les ennemis répondent, et c’est alors que l’infortuné Desaix tombe frappé d’une balle à la poitrine. • Cachez ma mort, dit-il au général Boudet, cela pourrait ébranler les troupes. » Mais en voyant tomber leur chef les soldats éprouvent un tout autre sentiment, et, comme ceux de Turenne, ils demandent à grande cris à venger sa mort. Ils se ruent lurieux sur l’ennemi, dont les deux premiers régiments sont rejetés en désordre sur la seconde ligne. C’est alors qu’apparurent dans tout leur jour la profondeur et l’habileté des dispositions prises précédemment par Bonaparte. Bientôt les Autrichiens, qui avaient entièrement débordé

notre gauche et se croyaient au moment de nous couper la retraite, sont tournés eux-mêmes par leur gauche. Leurs bataillons entendent la fusillade de tous les côtés à la fois. Cependant les grenadiers de Lattermann se défendent encore, lorsque Kellermann, exécutant l’ordre qu’il avait reçu de Bonaparte de passer au galop entre les intervalles et de charger cette formidable colonne de grenadiers, se porte au galop hors des vignes, se déploie sur le flanc gauche de cette colonne, et, laissant une moitié de ses escadrons en bataille pour contenir la cavalerie autrichienne qu’il avait en face, il se jette avec les autres dans le flanc de la colonne, assaillie en même temps de front par l’infanterie de Boudet. Cette charge impétueuse est irrésistible : les dragons de Kellermann pénètrent au milieu des rangs ennemis et sabrent à droite et à gauche jusqu’à ce que les malheureux grenadiers déposent les armes.

2,000 se rendent prisonniers et, à leur tête, le général Zach est obligé de remettre son épée, ca qui laisse l’armée autrichienne privée de commandement, puisque Mêlas,

croyant la victoire assurée, était rentré dans Alexandrie. Kellermann lance ensuite ses escadrons sur les dragons de Lichtenstein qui sont mis en fuite. En ce moment, Lannes tombe vigoureusement sur le centre des Autrichiens, et bientôt, sur toute la ligne de San-Giuliano à Castel-Ceriolo, les Français ont repris l’offensive. Les Autrichiens sont partout refoulés ; leur cavalerie s’enfuit à la débandade, emportée par un mouvement de panique, et se précipite vers les ponts de la Bormida, où un effroyable tumulte ne tarde pas à se produire. Vainement Kaim et Haddick essayent encore de tenir au centre ; Lannes les pousse avec une vigueur irrésistible et les jette dans Marengo, puis, faisant sa jonction avec le corps de Victor, tous deux se précipitent sur Marengo et culbutent O’Reilly ainsi que les grenadiers de Weidenfeld. Alors fantassins, cavaliers, artilleurs se mêlent, se confondent et se pressent sur les ponts. Un grand nombre se jettent dans la Bormida ; l’artillerie engage même ses pièces dans le lit de la rivière, espérant la franchir à gué. Mais les Français, achevant leur poursuite impétueuse, prennent hommes, chevaux, canons, bagages. Le baron de Mêlas, qui était accouru au bruit de ce désastre, n’en pouvait croire ses yeux ; l’infortuné pleurait de désespoir.

Telle fut cette sanglante bataille de Marengo, dont le souvenir est resté si populaire en France. Les Autrichiens y perdirent environ 8,000 hommes, tant morts que blessés, et 4,000 prisonniers ; les Français, 6,000 tués ou blessés et 1,000 prisonniers. Mais le plus beau trophée de la victoire, celui que poursuivait Bonaparte dans ses audacieuses conceptions, ce fut la fameuse convention d’Alexandrie, signée le lendemain, et qui valut à la France la restitution de toute l’Italie. Une seule bataille avait terminé cette immortelle campagne.

Marengo, pièce militaire en cinq actes et douze tableaux, de M. Dennery (théâtre du Chàtelet, 28 février 1863). Rien qu’en lisant dans le tome 1er de l’Histoire du Consulat et de l’Empire le simple récit de la campagnefameuse que la victoire de Marengo termina si heureusement, on sent qu’il y a là les événements les plus dramatiques qu’on puisse mettre dans une pièce militaire. Le rassemblement de l’armée de réserve au pied des Alpes, le passage du mont Saint-Bernard, la

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désertion des paysans, l’héroïsme des soldalsi le bonheur du guide de Bonaparte, le fort da Bard, la sortie nocturne de l’artillerie, les Autrichiens surpris dans la plnine du Piémont, l’entrée des Français à Milan, où sont encore exposées les caricatures sur l’armée de réserve, la vaillante défense et la capitulation de Gènes, la bataille de Marengo, perdue d’abord par le premier consul et regagnée ensuite grâce à Desaix, ne voilà-t-il pas, préparés à souhait par ce puissant auteur dramatique qui s’appelle le hasard ou la providence, tous les tableaux, toutes les surprises, tous les contrastes, toutes les péripéties désirables pour un ouvrage où la fusillade est appelée a couper la parole au dialogue et où le canon joue le principal rôle ? Et puis, surgissant des baïonnettes de ces soldats qu’avait formés le régime républicain, et planant au-dessus de l’épopée, figurez-vous Masséna, Desaix et Bonaparte : Bonaparte, que l’ambition dévore et dont le profil s’accentue déjà à la façon des Césars ; Desaix, hardi, fier, brave, désintéressé, déconseillant la retraite. et se faisant tuer assez tôt pour ne pas voir expirer cette République à laquelle il a voué sa belle vie ; Masséna, réalisant, presque à la lettre, le mot de ses soldats : « Il nous fera manger jusqu’à ses bottes ! • M. Dennery n’a pas cru que ces épisodes pussent suffire à l’intérêt d’une action dramatique. Il y a mêlé un roman et toutes les historiettes ayant cours. Réunissons tout notre courage et risquons-nous à travers ce pot-pourri militaire qui interrompt les défilés de l’armée d’Italie, pour faire rugir son traître et âuonner ses loustics.

Une jeune paysanne, Marie-Rose, tombe dans la pauvreté à la mort de son père. Sa chaumière va être mise en vente, lorsque deux jeunes gens interviennent ; le premier, Georges de Rennepont, est seigneur du village : le-second, André Meunier, est un pauvre laboureur. Tous les deux veulent venir au secours de Marie-Rose. André Meunier pousse le dévouement jusqu’à s’engager. Il part. Peu après, la nouvelle se répand qu’il a été tué dans un combat. Georges de Rennepont, qui ne peut oublier la paysanne, fait offrir a celle-ci son nom, sa fortune et sa main. Marie - Rose charge son beau - frère Jacques, garde de la forêt de Brienne, gaillard peu scrupuleux, de remettre à M. de Rennepont une lettre dans laquelle elle lui confie qu’elle a aimé André Meunier et qu’elle sera mère. Jacques s’empresse de mettre cette missive dans sa poche et revient dire à Marie-Rose que Georges veut toujours l’épouser et qu’il a juré de ne jamais lui dire un mot du passé. Marie-Rose, qui croit à la mort d’André Meunier, devient comtesse de Rennepont ; mais, pendant la célébration du mariage, le soldat André reparaît ; se voyant trahi dans ses espérances de bonheur, il veut se tuer. Un élève de l’école de Brienne l’en empêche en lui disant que se tuer, c’est déserter. Cet élève, André le retrouve au bout d’une vingtaine d’années au passage du mont Saint-Bernard, en la personne du généra ! Bonaparte ; il retrouve également celle qu’il a aimée autrefois, Marie-Rose, qui invoque son secours afin d’arracher à la mort un jeune officier, Henri de Rennepont, leur fils, qu’uno avalanche a fait rouler dans un précipice. Dès ce moment André s’attache aux pas du lieutenant Henri, qui s’étonne et se fatigue d’une-pareille protection. Nous n’avons pas oublié le garde-chasse Jacques ; ce coquin est devenu un des fournisseurs de l’armée ; depuis le mariage de sa belle-sœur il n’a cessé de rançonner le comte de Rennepont. Le comte, ou si on le préfère le colonel, car l’époux de Marie-Rose a conquis les épaulettes à graine d’épiuards, refuse de lui accorder une nouvelle somme. Jacques jure de se venger. Il confie à André 1 aimablo four qu’il prétend jouer à Henri de Rennepont ; il a envoyé au jeune lieutenant une lettre qui lui fera connaîtra son véritable père, la lettre que Marie-Rose l’avait chargé jadis de remettre au comte de Rennepont. Le bon André veut empêcher cette lettre d’arriver jusqu’à Henri. Il parvient en même temps qu elle près du jeune homme et supplie celui-ci de ne pas la lire. Puis comme Henri, sans égard pour cette étrange prière, va la décacheter, il fait un mouvement pour la lui arracher ; le lieutenant le repousse ; André le terrasse, oubliant qu’il n’est que sergent ; il lui prend la lettre et la jette dans la rivière. Mais André a osé porter la main sur^bn supérieur ; il est arrêté, traduit devant un conseil de guerre et condamné à mort, malgré les efforts de Marie-Rose et d’Henri. L’ex-paysanne, qui veut à tout prix le sauver, s’apprête à révéler qu’il est le père d’Henri ; mais il s’y oppose, invoquant son honneur à elle, celui du colonel et le bonheur de leur fils. Cependant le jeune lieutenant porte à Bonaparte un rapport sur les hauts faits antérieurs du sergent. Bonaparte, qui veut le sauvar une seconde fois de la mort, nomme André souslieutenant pour sa conduite au passage du

mont Saint-Bernard, lieutenant pour ses exploits à la bataille de Montebello. Il antidata ces nominations, de telle sorte que André était lieutenant quand il a terrassé Henri ; dès lors, ce n’était plus une lutte entre un inférieur et un supérieur, mais entre deux égaux. Cela établi, André est acquitté ; il adresse publiquement ses excuses à Henri, puis il se fait tuer à la bataille de Marengo.