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ÉGYPTE ANCIENNE.

culteurs devait être très analogue à celle des serfs (lu moyen âge de l’Occident. Lorsque rïltat avait b(’soin di’ soldats, il les levait par voie de conscription ; et pour les travaux publics, on avait recours à la corvée. Contrairement à une opinion généralement répandue, riîgypte n’a jamais eu de castes, et les corps de métiers formaient seulement des corporations. Un individu de la plus basse extraction pouvait s’élever par son seul mérite et obtenir les plus hauts emjilois. Les rois, considérés , adorés même conune des dieux, avaient un pouvoir sans bornes, et la monarchie égyptienne a été la plus absolue qui ait jamais existé dans le monde ; mais il semble qu’à part quelques règnes rendus odieux par la tyrannie et la cruauté du souverain, le pouvoir royal n’était ni tracassier, ni dur, ni oppressif. Les Égyptiens formaient un peuple essentiellement tlévot. Nul doute que leur religion n’ait été d’abord un pur fétichisme. Mais elle s’était raffinée dans la suite des siècles et pendant la xviii" et la xix« dynastie, elle était devenue très subtile. A cette époque les prêtres admettaient un Dieu unique en trois personnes : père, mère et (ils. De chacun des attributs principaux de ce Dieu, ils faisaient un nouveau Dieu, identique dans le fond au Dieu éternel, mais considéré comme remplissant un rôle spécial. Le Dieu en qui se résumait la cause fremière était Ammon ; le Dieu intelligent, mhotep ; le Dieu qui accomplissait les choses avec art et vérité, Phtah ; le Dieu bon et bienfaisant, Osiris ; le Dieu de la lumière et du soleil, Râ ; et ainsi des autres. Chaque nome avait choisi quelqu’un de ces dieux comme son dieu national, tout en reconnaissant l’équivalence des autres. Un même dieu avait en outre des noms multiples. Par exemple, Rà, au moment de son lever et de son coucher, était Hor et Osiris pendant la nuit. L’idée que l’on se faisait de la nature humaine était également des plus compliquées. On distinguait dans l’homme une intelliijence ayant pour enveloppe un vêtement lumineux, ime dme. vêtement de l’intelligence, un esprit ou souffle, enveloppe de l’âme, et un corps, enveloppe de l’esprit. C’était une sorte d’encapsulation de ces parties les unes dans les autres. A la mort, l’intelligence se séparait du tout et devenait démon. L’àme comfiaraissait devant le tribunal d’Osiris ou le Soeil de nuit. Condamnée, elle errait entre ciel et terre, cherchant pour s’y loger un corps humain qu’elle torturait lorsqu’elle l’avait trouvé. Après des milliers de siècles et une succession de vies terrestres, elle retombait dans le néant. L’àme juste, au contraire, quoique soumise à de terribles épreuves, voyait augmenter sa puissance et pouvait prendre toutes les formes qu’il lui plaisait de revêtir. 11 faut remarquer qu’il y a loin de cette doctrine à la métempsycose telle qu’on l’entend ordinairement. Après que cette âme avait parcouru toutes les demeures célestes et accompli ce que l’on appelait le labourage mystique, elle devenait toute intelligence et finissait par s’abi.mer en Dieu.

En outre, les Égyptiens croyaient que les dieux, pour surveiller les actions des hommes, s’incarnaient dans des corps d’animaux. De là les animaux sacrés auxquels on rendait hommage et qu’il était défendu de tuer sous peine de mort. Le chat, le crocodile, le serpent, l’épervier, etc., étaient adorés comme des incarnations de la divinité. Ce qu’il y avait de singulier, c’est qu’un animal considéré comme sacré dans un nome, ne l’était pas dans un autre. On vénérait le crocodile a Tlièbes, on le tuait à Éléphantine. Cependant quelques animaux étaient adorés dans toute l’Egypte. Tels étaient le scarabée de Phtah, l’ibis et le cynocéphale de Thot, l’épervier d’Hor, le chacal d’Anubis. Mais les plus célèbres des animaux sacrés étaient le hœuf Mnévis en qui l’on voyait l’âme de Rà. le bouc de Mendès considéré comme l’âme d]Osiris, l’oiseau Bennou, c’est-à-dire le phénix, et le bœuf Hapi ou Apis (V. ce mot) qui passait pour l’expression la plus complète de la divinité sous forme animale. 11 séjournait à .Iemphis et il était l’objet d’un véritable culte dans toute l’étendue de l’Egypte. La durée de sa vie était fixée par les lois religieuses : passé 25 ans, les prêtres le noyaient uarjs une fontaine consacrée au .Soleil. Mariette, en IS.’il, a retrouvé les tombeaux des Apis dans cette partie de la nécropole de Memphis qui ; les Orecs appelaient le .’^érapéion. ( V.ce mot.) La croyance des Egyptiens à la métamorphose des dieux en animaux fait comprendre pourquoi leurs sculpteurs reproduisaient souvent l’image de leurs divinités sous une forme animale. Par exemple, ils figuraient Hor sous les traits d’un épervier ; cependant, par anthropomorphisme, ils le représentaient aussi sous la forme d’un homme. D’autres foi.s, ils lui donnaient une tête d’animal et un corps humain ou une tête’ d’homme et un corps d’oiseau. Ces statues des dieux, aussi bien que les représentations colossales de souverains exécutées sous les trois grandes dynasties thébaines, rappellent le style des œuvres sculpturales de l’époque des Ousortesen. Elles ont sensiblement les mêmes qualités ; le réalisme s’y fait toujoui-s sentir et les statues d’hommes sont des portraits. Au contraire, dans les bas-reliels de la même période, la décadence commence à se faire sentir. Il y a plus d’élégance et de pureté qu’auparavant, plus d’idéal, mais en même temps plus de manière et de convention. On prête aux femmes une sveltesse impossible ; certaines figures se reproduisent toutes pareilles sur un grand nombre de basreliefs ; certains groupes semblent n’être que ce que nous appelons aujourd’hui des clichgs. Afin d’épargner à l’àme les épreuves et les soufl’rances de l’autre monde, les Égyptiens avaient rédigé un code de morale pratique où se rencontrent déjà des préceptes fort élevés. On y recommande la bonté et la charité envers tous les hommes, à quelque condition qu’ils appartiennent. C’est dans le Livre des morts, dont un exemplaire accompagnait chaque momie, que l’on peut puiser une exacte conception de la morale égyptienne. La littérature était fort en honneur dans tout le pays et ceux qui la cultivaient avec succès pouvaient prétendre aux plus hauts emplois. 11 y avait des bibliothèques et des bibliothécaires. Quoiqu’on ne puisse déterminer l’étendue des connaissances que possédaient les Égyptiens, on a la certitude qu’ils s’appliquaient à l’étude des sciences d’une utilité immédiate. Ils passaient aux yeux des Grecs pour les créateurs de la géométrie. Leurs astronomes avaient distingué les planètes d’avec les étoiles fixes : ils considéraient le ciel comme un océan supérieur qu’ils appelaient le Nou et sur lequel ils faisaient flotter les planètes. Ils avaient assigné des noms à plusieurs constellations. D’abord ils composèrent leur année de 360 jours ; ils la divisaient en 12 mois de 30 jours chacun, et en 3 saisons de 4 mois. Ces saisons étaient : la saison du commencement, qui correspondait au temps du débordement du Nil ; la saison des semailles, c’est-à -dire l’hiver, et la saison des moissons, qui était l’été. Le mois se composait de 3 décades ; le jour se subdivisait en 12 heures et la nuit en 12 autres heures. Dès une époque excessivement reculée, les astronomes égyptiens s’aperçurent que l’on avait fait l’année trop courte et ils corrigèrent leur calendrier en ajoutant à la suite du douzième mois cinq jours complémentaires qu’on appela les jcnirs épagomènes ou les cinq jours en sus de l’année. Naturellement, la médecine égyptienne était fort peu avancée. Toutefois les Egyptiens faisaient usage de purgatifs et de vomitifs, de pommades, de potions, de cataplasmes et de clystères. On composait ces médicaments de substances minérales, animales et végétales. Certaines maladies étaient attribuées à un esprit malfaisant qui était venu se lo- "er dans le corps du patient. On chassait l’esprit en prononçant une formule magique appropriée ; néanmoins, même dans ce cas, on administrait certaines drogues pour ajouter à l’effet de la conjuration. Ce qui empêchait la médecine de faire des progrès, c est que les médecins étaient obligés de traiter les malades conformément aux règles posées dans des livres officiels dont l’origine était réputée divine.

La pièce principale du costume égyptien était la calasiris, sorte de jupon court et bridant sur la hanche. Le linge de corp», blanc ou coloré en rouge, était en toile do lin. Dans les tonil>eaux, on a retrouvé de» lamlieaux d’une loilc aussi (lue que la mousseline de l’Inde et dont le tissu est aussi régulier que celui de no» plusl)elles batiste». Les vases retrouvés dan» le» tombes de» diverses dynasties sont ou de la poterie cominuMC ou ce que l’on a appelé à tort de la jiorcelaine égyptienne. La poterie, façonnée au tour, est rougeâtre ou jaunâtre, sans ornements, de formes généralement lourdes. La prétendue porcelaine, qni est jiiutôt de la faïence, est toujours l’ccouverle d’un émail bleu ou vert pomme. Une foule de vases, de statuettes, de figurines funéraires, d’ornements de toilette, sont en porcelaine. Avec cette matière on faisait aussi des perles, des anneaux, des amulettes, des scarabées, des briques émaillées dont on recouvrait les parois intérieures des appartements. Les Egyptiens connaissaient et savaient travailler le verre ; ils le soufflaient, comme nou», avec la canne. Ils avaient de magnifique» bijoux en or dans lesquels étaient enchâssées de» pierres précieuses et d’autres sur le fond desquels étaient appliquées des pâtes de verres de iilusieurs couleurs figurant un dessin. Ils connaissaient les bague» et les pendants d’oreilles ; ils avaient des poignard», des épingles, des manches de miroir en bronze. Les menuisiers faisaient de jolis meubles, tels que : lits, sièges et fauteuil» avec ou sans bras, tables, consoles, pliants, tabourets, cuillers à parfums richement sculptées, tètes de cannes, etc.

Les soldats égyptiens avaient pour armes l’arc, la javeline, la hache, la massue. L’armée ne se composait que d’infanterie ; et même après que le cheval eut été introduit dans le pays par les Hycsôs, il n’y eut point de corps de cavalerie, mais seulement de» chars Qe guerre attelés de chevaux. La prépondérance de ïhèlies tomba avec la XX" dynastie et désormais les capitales successives du pays furent des illes du delta : Sais, Bubaste, Tanis, puis encore une fois Sais. Sous la xxi" dynastie fondée par Simentou ou Smendès , l’Egypte perdit l’Ethiopie, mais vécut en paix. Sous la xxii»dynastie,fondée à Bubaste par Sheshonq, contemporain de Salomon, elle fut scindée en une foule de principautés indépendantes. Cet état de division continua sous la xxiii" ! dynastie tanite, et sous la xxiv saite. Alors l’Egypte fut conquise par les Éthiojùens qui lui imposèrent successivement deux de leurs propres souverains, Sabacon et Tahraqa, considérés comme formant la xxv<= dynastie. Le dernier de ces princes n’empêcha point Thèbes d’être deux fois mise à sac par les Assyriens. Enfin Psamétik I" (665 av. J.-C .) établit à Sais la xxvi» dynastie qui procura à l’Egypte quelques années prospères, une courte renaissance qu’anéantit brusquement la conquête du pays par Cambyse, roi des Perses, en o23. C’est sous cette dynastie que l’Egypte fut définitivement ouverte aux Grecs. Nous ne dirons rien des quatre dernières dynasties indigènes de la xxvii" à la xxx’) qui tentèrent de délivrer la terre des Pharaons du joug de l’empire des Perses. Le dernier de ces rois, Nectanébo 11, abandonnant lâchement Péluse défendue par des rnercenaires grecs, s’enfuit en Ethiopie, et l’Egypte, définitivement annexée à l’empire de Cyrus, subit quelques années plus tard la conquête macédonienne. Après la mort d’Alexandre, elle échut a la famille des Ptolémées. Ces princes, tout en se considérant comme les successeurs des anciens Pharaons, essayèrent de faire coexister ensemble dans le royaume, sans qu’elles se pénétrassent, la civilisation grecque et la civilisation égyptienne. Alexandrie, leur capitale, avec sa fameuse école qui devait leur survivre, devint le foyer des lumières de l’ancien monde expirant. Mais les discordes qui éclatèrent dans la famille i-oyale et la corruption des mœurs qui de la cour s’était étendue à toutes les clas.ses de la population, désarmèrent le pays devant l’intervention des Romains, et l’an :10 av. J.-C. après la bataille navale d’Actium, il fut réduit en province romaine.