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Lorsqu’un sage tyran règle en paix toute chose ;
Il porte à lui tout seul, pour le bonheur commun,
Le fardeau que les lois divisent sur chacun.
Nul n’étant plus distrait du soin de sa richesse,
Chez les bons citoyens l’or s’augmente sans cesse,
Et tous riches, vêtus de robes à longs plis,
Coulent d’heureux loisirs par la Muse embellis.


HARMODIUS.

Au parasite impur sied l’indigne habitude
De vanter à la fois l’or et la servitude,
Et d’unir, sur sa lèvre et dans ses vers flatteurs,
Ces deux mots les plus vils et les plus corrupteurs.
Rien parmi les mortels ne circule de pire
Que l’or, car il peut tout souiller et tout détruire ;
Il renverse un État, arrache à sa maison
L’homme et l’envoie au loin ramasser du poison ;
Il trompe les esprits les meilleurs, il les plonge
Dans une épaisse nuit de ruse et de mensonge ;
Par lui, l’infâme luxe infecte une cité
Du ferment de la peur et de l’impiété !


ARISTOGITON.

Pour la cité qu’un maître asservit et caresse,
Va ! ne redoute point l’excès de la richesse.
Nul n’ayant le souci, l’espoir du lendemain,
L’or s’enfuit de partout comme l’eau de la main.
On dissipe encor verts les fruits de son domaine ;
Un seul trésor grossit, c’est celui de la haine…