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Il faut chercher et vaincre, au bout des mers lointaines,
Le monstre vigilant qui garde l’idéal.

Passe, et n’écoute pas qui taxe de mensonge
Cet invincible espoir, ton guide et ton soutien :
Tout abime à sa perte ; et quand le cœur y plonge,
Sous l’horrible douleur il trouve encor le bien.

Va, sans le renier, jusqu’au bout de ton rêve,
Qu’aperçois-tu, mon âme ? Au fond, n’est-ce pas Dieu ?
Tu vas à lui. Crains-tu d’échouer sur la grève ?
Est-ce pour te tromper qu’y luit son œil de feu ?

Pars, recueillant les bruits sous les chênes prophètes,
Les parfums, les rayons que darde l’avenir ;
Demande au vin sacré que versent les poètes
L’ardeur de proclamer celui qui doit venir !

Remplis donc à deux mains la coupe où tu t’enivres ;
Puise dans le désert, puise dans la cité.
Va ! lis dans la nature, et même dans les livres ;
Où l’amour n’est-il pas ? où n’est pas la beauté ?

Prends à la terre, aux flots, tout ce qui s’en exhale ;
Emporte dans ton vol les rumeurs des chemins ;
Prends aux fleurs des sommets l’haleine matinale ;
Respire-la mêlée à celle des humains !

Vole au terme entrevu de tes courses fécondes,
Sans t’arrêter ici, car le but est ailleurs :
Car, ô souffle immortel, tu dois à d’autres mondes
Porter ce que le nôtre a d’atomes meilleurs.