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sur les probabilités.

succès pour détruire un préjugé reçu dès l’enfance et enraciné par l’habitude. Ces sortes de préjugés naissent souvent de la plus faible cause, dans les imaginations actives. Qu’une personne, attachant au mot gauche une idée de malheur, fasse journellement de la main droite une chose que l’on puisse exécuter indifféremment de l’une ou de l’autre main ; cette habitude peut accroître la répugnance à se servir pour cela de la main gauche, au point de rendre la raison impuissante contre ce préjugé. Il est naturel de croire qu’Auguste, doué d’une raison supérieure à tant d’égards, s’est reproché quelquefois sa faiblesse de n’oser se mettre en route le lendemain d’un jour de foire, et qu’il a voulu la surmonter. Mais au moment d’entreprendre un voyage dans l’un de ces jours réputés malheureux, il a pu se dire que le plus sûr était de le différer, augmentant ainsi sa répugnance par l’habitude d’y céder. La répétition fréquente d’actes contraires à ces préjugés doit, à la longue, les affaiblir et les faire entièrement disparaître.

L’attachement que l’on porte aux personnes qu’on a souvent obligées, découle du principe que nous venons de développer. La répétition fréquente d’actes en leur faveur, accroît et fait même naître quelquefois le sentiment dont ils

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