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cause des vents, j’en suis principalement redevable à ces Réflexions elles-mêmes et aux belles découvertes de ce grand géomètre sur la Théorie des fluides et sur le Calcul intégral aux différences partielles, dont on voit les premières traces dans l’Ouvrage que je viens de citer. Si l’on considère combien les premiers pas sont difficiles en tout genre et surtout dans une matière aussi compliquée ; si l’on fait attention aux progrès immenses de l’Analyse depuis l’impression de son Ouvrage, on ne sera pas surpris qu’il nous ait laissé quelque chose à faire encore et que, aidés par des théories que nous tenons de lui presque tout entières, nous soyons en état d’avancer plus loin dans une carrière qu’il a le premier ouverte.

Il semble que la solution du problème précédent renferme toute la théorie du flux et du reflux de la mer : car, quoique on y suppose la planète immobile, ce qui n’est pas vrai pour la Terre, cependant, le mouvement de rotation de cette planète paraissant n’avoir d’autre effet que de changer la position du Soleil et de la Lune par rapport aux eaux de la mer, on pourrait croire que, pour être en droit de regarder la Terre comme immobile, il suffit de transporter en sens contraire à ces deux astres son mouvement angulaire de rotation ; mais, en réfléchissant avec attention sur la nature du problème, on aperçoit bientôt que le changement dans la position du Soleil et de la Lune par rapport à la mer n’est pas le seul effet qui résulte de la rotation de la Terre, et l’on s’en convaincra facilement par la remarque suivante, qui n’a point échappé à M. Maclaurin dans son excellente pièce sur le flux et le reflux de la mer, quoique ce savant auteur ne l’ait point soumise au calcul. Lorsqu’on suppose à la planète un mouvement de rotation commun au fluide, la vitesse d’une molécule du fluide étant supposée rester la même dans le sens du parallèle, son mouvement angulaire de rotation augmente ou diminue, suivant qu’elle s’éloigne ou qu’elle s’approche de l’équateur, en sorte qu’elle change de méridien par cela seul qu’elle change de parallèle : or ce changement pour les eaux de la mer est du même ordre que les mouvements immédiatement excités par l’action du Soleil et de la Lune.